Meurtre chez les plumes roses !

Catégories : Rencontres BDSM FANTASME
il y a 4 ans

Dépêche AFP 12 Nov. 2013 10 h 55

Alors que doit se tenir dans quelques jours, le huis clos du prix Conbourt devant permettre aux membres du jury de remettre le prix éponyme du meilleur roman érotique de l’année, on apprend que Xavier Balloch, auteur du roman « 20000 Vieux sous mémère » et bien placé pour la première place, a semble-t-il été victime d’un accident de chasse.

Nous ignorons pour l’heure les conséquences de ce drame sur le déroulement du huis clos, la direction du Conbourt se refusant à tout commentaire.


— Allo, Sirius ?

— Oui ?

— Je peux savoir ce que vous avez foutu ?

— De quoi parlez-vous ? Le contrat est rempli ! J’ai utilisé les mêmes cartouches qu’il utilisait pour son fusil. D’ailleurs, ils viennent de dire que c’était un accident.

— Pauvre crétin ! On l’a retrouvé en plein XVIIIe ! Il chassait quoi, rue Ordener ? Le chat sauvage ?

Furieux, l’homme raccrocha son téléphone en maugréant. Il était entouré d’abrutis et d’incompétents. Lui seul avait une vision suffisamment clairvoyante pour maîtriser les évènements. Malheureusement, il ne pouvait pas tout faire seul et c’était pour lui un drame quotidien. Même un banal meurtre déguisé en accident devenait une chose compliquée. Il se remémora alors l’époque bénie de sa jeunesse, lorsque les voyous avaient une parole et n’étaient pas des petits caïds incapables d’honorer un contrat. Une époque où la moitié de la police était occupée à faire la courette à Mesrine tandis que l’autre moitié s’affairait à racketter les petits commerces illicites qui fleurissaient un peu partout dans Paris. Oui, une époque bénie, vraiment… Mais malheureusement révolue.

Fort heureusement, il prenait suffisamment de précautions et demeurait assez influent pour être au-dessus de tout soupçon. Jamais son nom n’apparaissait dans les affaires pouvant éveiller la curiosité de la police ou des juges. L’ombre lui convenait à merveille et il allait tout faire pour que ça dure.

Bureaux de la police criminelle, Quai des Orfèvres, 11 h.

L’inspecteur Martin Lucas se pencha sur son ordinateur en fronçant les sourcils. Ce qu’il voyait sur l’écran lui posait un problème quasi insurmontable qu’il allait mettre un certain temps à résoudre.

— Lucas !

Voyant le commissaire Saldano débouler dans la pièce, Martin ferma en toute hâte sa partie de solitaire et fit semblant de chercher quelque chose dans le fouillis des dossiers qui traînaient sur son bureau.

— Oui, patron ?

— Un auteur de bouquins de cul s’est fait descendre ce matin en plein Paris avec un fusil de chasse. Vous prenez l’enquête !

— OK !

— Encore une chose : on nous charge de materner une étudiante en psychoprofilage-machin-chose… Elle vous accompagnera sur l’enquête.

— Mais commissaire…

— Tsss ! Pas de mais ! Elle sort de l’école de police. Elle est en cours de spécialisation, mais elle est flic. Donc merci de m’épargner vos plaisanteries sexistes. Elle vous attend dans le couloir.

Martin était dépité. Ce qui s’annonçait comme une journée normale, c’est-à-dire une journée durant laquelle il aurait expédié deux ou trois affaires courantes entre ses parties de solitaire, venait d’être gâchée en quelques secondes. Après un long soupir qui en disait long sur l’état de sa motivation, il prit son arme et sa veste puis il sortit du bureau.

Sur l’une des chaises qui encombraient l’étroit et long couloir, il aperçut la nouvelle recrue qui patientait sagement. Martin fut immédiatement surpris par son accoutrement : minijupe en cuir, chaussures à talon et chemiser profondément décolleté… La jeune fille n’avait rien d’une flic et tout d’une prostituée !

— Mademoiselle ? Inspecteur Lucas. C’est avec moi que vous allez faire vos premiers pas chez nous.

Martin tendit sa main à la jeune femme qui sembla ne rien comprendre à ce qu’il venait de lui dire. C’est alors qu’il entendit une voix derrière lui :

— Inspecteur Lucas ?

— Oui ?

— Lola Kramer. C’est moi qui vous accompagne !

Martin regarda alternativement la prostituée qui devait attendre d’être auditionnée et la jeune fille avec qui il allait devoir passer ses journées. Et tout en saluant sa nouvelle partenaire, il se dit que ce n’était vraiment pas son jour…

Lola n’était pas moche, loin s’en faut ! Avec ses cheveux mi-longs d’un blond presque roux et de jolis yeux bleus, elle était même plutôt jolie. Mais son allure de garçon manqué n’incitait pas à l’aborder et sous une façade austère semblait se dissimuler un caractère bien trempé.

— Pardon. Je suis navré, je ne vous avais pas vue… s’excusa-t-il en serrant la main qu’elle lui tendait.

— J’imagine que vous auriez préféré passer vos journées avec une prostituée… Je suis désolée ! J’espère que vous n’êtes pas trop déçu ?

Martin fut sidéré d’un tel aplomb. Jamais il n’aurait imaginé se laisser parler de la sorte par une fliquette de vingt-cinq piges ! Il se dit qu’il allait devoir rapidement asseoir son statut de supérieur hiérarchique, sans quoi cette jeune effrontée allait lui pourrir les prochaines semaines mieux qu’une inspection de l’IGS !

— Je m’en remettrai ! dit-il finalement en la toisant du regard. Maintenant, suivez-moi. On a une enquête pour homicide qui nous attend…

Flanqué de son nouvel acolyte, il prit la direction du parking d’un pas militaire, bien décidé à montrer ses talents d’enquêteur à cette impertinente, talents qui lui avaient valu par le passé les félicitations de sa hiérarchie.

— A-t-on réellement besoin des sirènes pour aller voir un cadavre ? osa Lola tandis qu’ils se faufilaient dans la circulation à une vitesse indécente. Vous avez peur qu’il s’en aille ?

— Le cadavre ? Non, pas vraiment. Mais les preuves, oui ! On ne vous a rien appris à l’école de police ?

— Oh… Je vois… Vous êtes un flic du genre solitaire et ma présence vous met mal à l’aise. Donc vous compensez par une agressivité f o r c é e… Classique !

Martin écrasa la pédale de frein et la voiture glissa sur le bitume du boulevard de Clichy avant de s’arrêter net dans le concert de klaxons des automobilistes furieux.

— Épargnez-moi une ou deux choses, aboya Martin. Primo, vous allez réserver vos talents de psy aux suspects et ne pas utiliser cette connerie sur moi. Et deuxio, vous allez effacer ce petit sourire narquois qui m’exaspère au plus haut point !

Ravie d’avoir touché un point sensible, Lola se contenta d’acquiescer, non sans ironie :

— Oui, Chef ! Bien, Chef !

Martin soupira en levant les yeux au ciel. Cette petite peste commençait à le faire sortir de ses gonds et il allait devoir résister à l’envie de la jeter hors de sa voiture ! Tentant de se calmer malgré tout, il redémarra et quelques minutes plus tard, ils étaient accueillis par les brigadiers qui avaient bouclé la scène de crime.

— Bonjour, inspecteur !

— Alors ? Qu’est-ce qu’on a ?

— La victime s’appelle Xavier Balloch. Le légiste est en train de l’examiner.

La victime était allongée derrière l’un des bosquets du parc de Clignancourt. De nombreuses traces de s a n g maculaient le sol et les arbustes alentour.

— Salut, Martin ! s’exclama le légiste lorsqu’il vit Lucas arriver. Tu t’es enfin décidé à sortir de ton bureau ?

— Je t’emm e r d e , Ben ! Dis-moi plutôt ce que tu as trouvé.

Martin et le docteur Benjamin Stanic se connaissaient depuis de nombreuses années. Au fil des enquêtes s’était nouée entre eux une véritable complicité et malgré un profond respect mutuel, ils ne perdaient jamais une occasion de se chambrer.

— Calibre 12 ! À bout touchant si j’en crois les brûlures sur la zone d’impact. D’après les traces de s a n g , je pense qu’on lui a tiré dessus au bord de l’allée et qu’on l’a traîné ensuite jusqu’ici.

— Tu as trouvé des papiers sur lui ?

— Son portefeuille avec de l’argent et sa carte d’identité, répondit Ben en donnant les documents à Martin. Ainsi qu’un morceau de papier qui te dira pourquoi il était ici…

— Square de Clignancourt, 10 heures… lut Martin. Dommage qu’il n’ait pas indiqué le nom de la personne qu’il devait rencontrer, ça nous aurait facilité la tâche…

— En quoi ? demanda Lola qui n’avait encore rien dit. Rien n’indique que celui ou celle qu’il devait rencontrer soit l’agresseur. Peut-être qu’une tierce personne savait pour le rendez-vous et en a profité. Ou encore avons-nous affaire à un acte commandité…

— Ben, je te présente la nouvelle Jessica Fletcher ! Jessica…

— Lola ! corrigea-t-elle en tendant sa main à Ben. Lola Kramer.

— Ne vous laissez pas impressionner par ce vieux singe ! sourit Ben en serrant sa main. Il fait beaucoup de grimaces, mais il n’est pas dangereux !

— J’ai déjà eu l’occasion de m’en apercevoir, oui… répondit Lola en jetant un coup d’œil à un Martin qui avait largement dépassé le stade de l’exaspération.

— OK… Quand vous aurez fini, on pourra peut-être commencer à bosser ! Que donne l’enquête de voisinage ? demanda Martin au brigadier qui l’avait accueilli.

— Pas grand-chose pour l’instant, inspecteur. Le corps a été trouvé par un clochard vers 10 h 20. Les habitants du quartier ont entendu un coup de feu aux alentours de 10 h 05. À part ça, personne n’a rien vu.

— Comme d’habitude… grogna Martin. Tous les jours des gens se font buter et personne ne voit jamais rien !

L’inspecteur fit un tour du square en inspectant minutieusement chaque recoin, mais aucun détail, aucun indice, même infime, ne lui sauta aux yeux.

— Bon… On va passer chez la victime et on retournera au poste pour les recherches sur la famille, les amis, les relations de travail… Ben, pour la forme, tu m’appelles pour me confirmer l’heure exacte de la m o r t ?

— Ça marche. À plus tard.

Comité d’Organisation du Conbourt, rue Saint-Honoré. 11h30

Vincent Lantier, le secrétaire de l’organisation, raccrocha le téléphone en maudissant les journalistes qui depuis une heure ne cessaient d’appeler.

— Des vautours… pensa-t-il.

— Encore des journalistes, je suppose ?

— Oui, Monsieur. Ça n’arrête pas. Ils veulent savoir si on maintient le huis clos.

Depuis l’annonce de la m o r t de Balloch, Vincent Dupré arpentait de long en large le luxueux salon Louis XV en réfléchissant aux conséquences désastreuses de cette affaire sur le Conbourt.

Sitôt que la rumeur d’un assassinat se serait répandue, d’inévitables soupçons viendraient se porter sur les concurrents de Balloch, ce qui aurait des répercussions tout à fait néfastes sur la réputation du prestigieux prix, en même temps que sur son comité d’organisation.

Domicile de Xavier Balloch, rue Boutarel. 11 h 40

Tandis qu’ils gravissaient les escaliers en colimaçon qui menaient au domicile de la victime dans le luxueux immeuble qu’il occupait en plein cœur de l’île Saint-Louis, Martin maugréa contre l’absence d’ascenseur entre deux essoufflements.

— Un grand sportif à ce que je vois ! se moqua Lola. Y’a pas une salle de Gym au 36 ?

— … Pour les taffioles ! répondit Martin un étage plus bas dans un râle d’agonie.

Lola leva les yeux au ciel et attendit devant la porte de l’appartement de la victime que son distingué collègue en termine avec la dernière volée de marches. Arrivé devant la porte, Martin sortit de sa poche le trousseau de clés qu’il avait récupéré sur le corps de la victime et ouvrit la porte, non sans avoir pris soin de sonner.

Le deux-pièces était assez mal rangé et des affaires traînaient un peu partout sur le sol. Dans la cuisine, un bol contenant un fond de café avait été laissé sur la table. Quant à l’évier, il débordait de vaisselle sale.

— Plutôt négligé, le bonhomme…

Lola ne répondit pas. Bien qu’elle détestât l’attitude de Martin, elle cherchait malgré tout à le surprendre et à lui plaire par la qualité de ses investigations. Aussi se mit-elle en quête d’indices susceptibles de faire avancer l’enquête. Mais alors qu’elle se trouvait dans le hall, elle entendit la voix de Martin résonner depuis la chambre.

— Lola ? Venez voir…

— Quoi donc ?

Il attendit que Lola le rejoigne et montra du doigt un petit objet qui avait dû tomber de la table de nuit.

— Un tube de rouge à lèvres ! s’exclama Martin en ramassant l’objet après avoir enfilé ses gants. Monsieur l’écrivain s’envoyait en l’air !

— Je suis sûre que ça vous excite ! lâcha Lola en levant les yeux au ciel.

— À vrai dire, j’aurais préféré trouver un string ! Mais pour la recherche d’ADN, ça fera l’affaire…

Après avoir glissé le rouge à lèvres dans un petit sachet en plastique, ils reprirent tous deux leurs investigations, mais ils ne trouvèrent pas d’autre objet intéressant.

— Allez, on se casse ! ordonna Martin

— Ah ? Alors comme ça, y’a rien qui vous interpelle ? s’exclama Lola.

— Quoi donc ? Vous voyez autre chose d’intéressant à ramener au labo ? L’armoire ? Un bout de mur ?

— Ce n’est pas ce qu’il y a qui est intéressant, répondit Lola d’un ton mi agacé mi-condescendant. C’est ce qu’il n’y a pas. Ou que l’on n’a pas trouvé…

— Je vous écoute… suggéra Martin, passablement énervé par la nouvelle recrue. Vendez-moi du rêve !

— Un écrivain sans ordinateur, ni manuscrit, ni même un simple bloc contenant ses écrits, ça en vous ne choque pas ?

Martin chercha une réplique cinglante qui aurait mouché cette petite peste pour de bon, mais rien ne lui vint. Pire : il se rendit compte qu’elle avait vu juste !

— Très bien… dit-il en rengainant sa colère. On a peut-être un mobile… On retourne au 36 voir ce que donne l’enquête sur la famille et les proches.

Satisfaite du petit effet qu’elle venait de produire, Lola s’élança dans les escaliers avec un sourire aux lèvres.

Sur le chemin du 36, Martin resta muet comme une tombe, encore énervé de n’avoir pas pensé à ce détail avant Lola. Il était censé lui apprendre le job et au final, c’est elle qui lui donnait la leçon ! Inadmissible, pensa-t-il. D’un autre côté, même s’il refusait de se l’avouer, la jeune femme le troublait. Et la jeunesse qu’elle affichait avec tant d’ostentation lui renvoyait, en plus des quinze années qui les séparaient, tous les regrets qu’un homme peut avoir au seuil de ses quarante ans.

— Vous êtes fâché ? osa Lola avec une petite moue innocente pleine de moquerie.

— Pas du tout…

— Vous êtes sûr ? insista-t-elle, le sourire au bord des lèvres. Vous avez l’air grognon, pourtant…

Faisant crisser les pneus, il tourna brutalement dans la première rue à droite et se gara avec la même délicatesse quelques centaines de mètres plus loin.

— C’est parce que j’ai faim ! finit-il par dire en coupant le contact tout en désignant la devanture d’un restaurant.

Il descendit de voiture et se dirigea vers l’établissement d’un pas décidé, sans même vérifier si la jeune fille le suivait. Et lorsqu’elle le rejoignit, il était déjà assis à une table dans le fond de la salle, le menu entre les mains.

— Je croyais qu’on devait retourner au bureau toutes affaires cessantes ? s’étonna Lola. Et ne me dites pas que vous mangez au restaurant tous les jours !

— Je mange où je veux, quand je veux et avec qui je veux ! répondit Martin sans lever les yeux du menu. Et comme je suis dans un bon jour, je vous invite !

— Mais j’en ai de la chance ! ironisa Lola qui se demanda à quoi pouvait bien ressembler un « mauvais jour »…

Bien qu’ils s’exaspérassent mutuellement, tant par leur différence de caractère que par leurs vues diamétralement opposées du métier de policier, le repas leur permit de faire plus ample connaissance et de rompre, au moins en partie, l’épaisse couche de glace qu’il y avait entre eux.

Ainsi, Martin apprit que le père de Lola avait été flic, que ses parents avaient divorcé et qu’elle avait choisi de marcher dans les pas de son père après en avoir été longtemps séparée.

— Quasiment tous les flics sont divorcés… regretta Martin. C’est un boulot de célibataire !

— Vous ne vous êtes jamais marié ? osa Lola qui craignit de l’indisposer par une question trop personnelle.

— La mienne a tenu cinq ans ! répondit-il comme s’il s’agissait d’un record. Mais, nous n’étions pas mariés et n’avions pas d’e n f a n t , alors… On va dire que ç’a été plus facile.

Malgré le ton léger que Martin s’était eff o r c é d’employer, Lola devina dans sa voix une pointe de regret. Comme une plaie que l’on croit refermée, mais qui se rouvre à la première occasion.

Une fois le repas terminé, ils retournèrent au bureau où le commissaire Saldano les attendait pour un briefing.

Après que Martin eut exposé le fruit de leurs recherches au domicile de la victime, le commissaire leur fit part des nouveaux développements de l’enquête :

— Bon… D’après les témoignages que l’on a pu recueillir auprès de ses collègues et de sa famille, cela faisait pas mal de temps qu’il vivait reclus dans son appartement. Son ex-femme nous a confié qu’il voyait quelqu’un depuis plusieurs mois. Sans doute la propriétaire du rouge à lèvres que vous avez trouvé chez lui.

— Il est parti au labo, coupa Martin. Mais on n’aura le résultat que dans plusieurs jours…

— Comme d’habitude… fit Saldano d’un air blasé. En attendant, je vous suggère de suivre la piste d’un certain Armand Tessier. Apparemment, il est l’une des rares personnes que côtoyait régulièrement la victime. Comme il n’y a pas de hasard dans ce milieu, vous ne serez pas surpris d’apprendre qu’il tient un club échangiste, rue Blanche. D’après nos services, l’établissement a l’air réglo, mais voyez ce que vous pouvez trouver sur place. Amusez-vous bien !

Martin leva les yeux au ciel et rentra dans son bureau accompagné de Lola sous les sifflets de ses collègues, amusés de le savoir dans un tel lieu, qui plus est en charmante compagnie.

— Vos gueules, bande d’abrutis ! Dites-moi plutôt si le légiste a appelé ! aboya Martin afin de couper court à la plaisanterie.

— Pas encore, répondit l’un d’eux. Tu sais bien qu’il lui faut quand même au moins quelques heures avant de nous envoyer le rapport d’autopsie…

Martin se laissa tomber dans son fauteuil et commença à pianoter sur son clavier d’ordinateur.

— C’est quoi le programme de l’après-midi ? demanda Lola. Concours de Solitaire ?

— Je regarde les horaires d’ouverture de ce putain de club ! répondit Marin sans relever l’offense. Histoire de choper le boss avant l’ouverture. J’ai pas envie d’avoir les clients sur le dos…

— On ne ferait pas mieux d’y aller déjà en sous-marin ? se permit Lola. Je ne suis pas sûre que mettre nos cartes de police sous le nez de ce type nous apprenne grand-chose. En revanche, si jamais Balloch fréquentait régulièrement ce club, y aller en tant que clients nous permettrait sûrement d’en apprendre bien davantage…

Martin savait qu’elle avait raison, mais l’idée de se retrouver en compagnie de Lola dans ce genre d’endroit le mettait mal à l’aise. Bien sûr, il lui était déjà arrivé de jouer au client dans des lieux plus ou moins louches… Mais là, il allait devoir le faire en compagnie de sa jeune collègue et il n’était pas du tout certain de savoir gérer la situation !

— Très bien… D’après leur site, le club ouvre à 19 heures. On débarque vers 20 h 30 et on voit ce qu’on peut trouver là-bas. Ça vous va ?

— Parfait ! Mais faudra que l’on passe chez moi, que je puisse me changer… Et je vous suggère d’en faire autant, histoire de vous mettre sur le dos quelque chose qui fasse un peu moins flic !

Martin acquiesça tout en essayant de cacher son trouble. Tout cela commençait à devenir un peu trop réel à son goût ! Pis : il avait l’impression de n’avoir aucune prise sur les évènements et il détestait ça. Sans compter que sa nouvelle collègue, si charmante qu’elle fût, était à deux doigts de lui donner des ordres !

— Très bien, allez-y. Je passe vous chercher vers 20 heures. D’ici là, essayez de vous reposer, la soirée risque d’être longue…

— Bon… si vous n’avez pas besoin de moi… répondit Lola. Voici mon adresse pour ce soir.

Elle griffonna son adresse sur un post-it qu’elle tendit à Martin et sortit.

Derrière les buttes Chaumont, 15h.

L’inconnu sortit de l’ascenseur et fit le tour des différentes portes du palier. Après avoir trouvé celle qu’il cherchait, il glissa un minuscule outil dans la serrure et au bout de quelques essais, réussit à l’ouvrir sans bruit. Il se dirigea vers le salon où un homme regardait la télévision d’un œil somnolent.

Discrètement, la silhouette se faufila derrière lui et appuya fortement ses mains gantées sur sa bouche et son nez. Surpris, l’homme tenta de se débattre, mais l’agresseur était robuste. Après de longues secondes de soubresauts et de cris étouffés, l’homme s’effondra dans son fauteuil.

Avec un calme absolu, la silhouette se dirigea ensuite vers la cuisine et la main gantée tourna le bouton du grand feu de la gazinière. Prenant soin de vérifier que toutes les fenêtres étaient fermées, l’agresseur sortit de sa veste un objet ressemblant à un téléphone portable qu’il déposa sur la table de la cuisine. Puis il sortit de l’appartement en refermant la porte à double tour.

Calmement, il redescendit par les escaliers et sortit de l’immeuble avant de remonter dans sa voiture et de se glisser dans le flot de la circulation parisienne.

Dix bonnes minutes plus tard, il sortit un autre téléphone et composa un numéro. Le bruit sourd et lointain de la détonation sembla le satisfaire. Alors, il se débarrassa de l’appareil dans une poubelle et rentra chez lui.

Bureaux de la police criminelle, quai des Orfèvres. 16 h 30.

Martin avait passé l’après-midi à éplucher les procès-verbaux des différents témoignages qu’avaient pu recueillir ses collègues, sans rien trouver de réellement contributif à l’enquête. La victime semblait entretenir des rapports cordiaux avec ses confrères écrivains et personne ne lui connaissait d’ennemi. Rien à attendre non plus du côté du légiste qui avait appelé pour confirmer l’heure et la cause de la m o r t : calibre 12 à bout touchant. Le tireur n’avait laissé aucune chance à sa victime.

— Martin ! Y’a du nouveau… lâcha Saldano en faisant irruption dans le bureau. Une explosion de gaz a soufflé un appartement derrière les buttes Chaumont. Le type qui se trouvait à l’intérieur n’a pas survécu, mais les policiers sur place ont trouvé des documents en lien avec votre victime. C’est peut-être un hasard, mais j’en doute !

Martin opina du chef et attendit que le commissaire ait tourné les talons pour lâcher un soupir de découragement. C’était décidément une sale journée ! Il avait bien envie d’aller là-bas tout seul, mais il savait aussi que Saldano pouvait le lui reprocher. Alors, il prit son téléphone et appela Lola pour la prévenir. Et vingt minutes plus tard, il la retrouvait à proximité du lieu de l’explosion.

— Des fusils de chasse, des apparts qui sautent… Ça commence à faire beaucoup pour des bouquins de culs… lança-t-il désabusé.

— Le Conbourt est un prix très renommé dans le milieu, coupa Lola. Et l’ego de certains auteurs est sans limites !

— Vous semblez bien au courant ! la taquina Martin. Vous connaissez certains d’entre eux. Vous lisez leurs bouquins ?

— Vous seriez surpris de savoir ce que je lis ! rétorqua Lola d’un air mi-amusé, mi-énigmatique. Vous, par contre… J’ai l’impression que si on n’écrit pas dans les bulles…

— Que voulez-vous… Depuis que j’ai lu le Code de procédure pénale, je suis plus vraiment fan des bouquins !

Lorsqu’ils arrivèrent devant l’immeuble, de la fumée s’échappait encore des fenêtres brisées par le souffle et les pompiers étaient toujours sur place. Le quartier avait été intégralement bouclé et de nombreux véhicules de secours encombraient la rue.

— Quel bordel ! s’exclama Martin. J’espère qu’ils n’ont pas foutu en l’air tous les indices !

Il montra sa carte de police avec autorité au policier qui éloignait les badauds. Après quoi Lola et lui se présentèrent aux enquêteurs qui procédaient aux différents relevés. Sur une civière reposait un corps en partie calciné sur lequel s’affairait le docteur Stanic.

— Je ne pensais pas te revoir de sitôt ! s’exclama-t-il en le voyant. Si tu continues à accumuler les cadavres, je ferais mieux de rester avec toi ! Ça gagnera du temps !

— Très amusant, Ben ! Et sinon, ton morceau de charbon, il dit quoi ?

— Il dit qu’il aurait eu très mal si quelqu’un ne l’avait pas étouffé avant de faire sauter son appart !

— Vraiment ? Qu’est-ce qui te fait dire ça ?

— Tu vois, ces blessures dues à l’explosion ? montra Ben. Aucune trace de saignement. Et pas de trace de strangulation non plus, ni de blessure à la tête. Donc l’autopsie le confirmera, mais je te parie qu’on l’a tué en l’empêchant de respirer.

— Et on sait comment il s’appelait ? demanda Lola qui jusque-là s’était contentée d’éviter de regarder le corps de trop près.

— Il n’avait aucun papier sur lui, mais l’appartement était habité par un certain Simon Riuska. Ces messieurs t’en diront plus, précisa-t-il en désignant deux policiers occupés à fouiller les décombres.

Tandis que Lola commençait à scruter ce qu’il restait de l’appartement, Martin se dirigea vers les deux hommes que lui avait indiqués Ben.

— Salut les gars ! Inspecteur Lucas. Il paraît que vous avez quelque chose pour moi ?

— Bonjour, Inspecteur, répondit l’un des deux en sortant des pochettes en plastique de sa mallette. On a trouvé ceci en faisant les premières constatations. Quand on a vu le nom sur le papier, on vous a fait appeler immédiatement.

Martin examina les indices que lui tendait le policier. Il s’agissait d’une photographie de Xavier Balloch et d’un morceau de papier en partie brûlé, mais sur lequel étaient inscrits le nom et l’adresse de l’écrivain suivis d’une sorte d’emploi du temps. Malheureusement, le feu avait noirci une bonne partie de la page et la majeure partie des inscriptions était devenue illisible.

— Qui étais-tu et qui as-tu bien pu énerver à ce point, monsieur Balloch ? demanda Martin au visage de la photographie qu’il tenait entre ses mains.

— Martin ?

L’inspecteur se dirigea vers la voix de Lola qui se trouvait dans la chambre de la victime. Éloignée de la cuisine, ce qui s’y trouvait avait à peu près été épargné.

— Qu’est-ce qu’il y a ? Vous avez trouvé quelque chose ?

— Oui ! répondit fièrement Lola en brandissant un ordinateur portable allumé. Ce que l’on n’a pas trouvé chez Balloch !

De retour au 36, Lola et Martin étaient penchés sur le PC portable trouvé chez Riuska en compagnie de David, l’un des experts en informatique de la brigade. Ils avaient pu arriver assez facilement au contenu du disque dur, mais la plupart des fichiers accessibles ne semblaient concerner que des romans déjà édités. En revanche, les fichiers les plus récents demandaient un mot de passe à l’ouverture.

— Je suis désolé, Martin, dit David en refermant l’ordinateur. Il va me falloir un certain temps et mon matériel du labo pour casser les codes…

— OK… fit Martin, déçu. Fais-moi signe quand tu auras réussi.

Vautré sur son fauteuil, Martin exprima sa lassitude par un long soupir. L’explosion avait fait passer l’après-midi à toute vitesse et il se rendit compte qu’il était temps pour eux de se préparer pour leur visite au club. Après un bref conciliabule, ils convinrent de passer chez Martin d’abord, celui-ci habitant non loin du 36.

— Gardez la voiture ! lança Martin. Je ne serai pas long.

— Essayez de trouver quelque chose d’un peu plus… « branché » !

Après avoir sorti la quasi-totalité de ses vêtements et transformé sa chambre en véritable souk, Martin redescendit avec un accoutrement qu’il espérait suffisamment « branché » sans qu’il en devienne ridicule. Pour quelqu’un qui portait le traditionnel jean-blouson du flic comme une seconde peau, le risque était réel !

— Eh bien ! s’exclama Lola avec un sifflement moqueur, voilà qui change tout, en effet…

Le blouson marron était devenu noir, tout comme le jean duquel sortaient négligemment les pans d’une chemise blanche.

— Épargnez-moi, vous voulez bien… Je ne passe pas ma vie dans les clubs échangistes, moi !

— Vous devriez ! Ça vous permettrait d’agrandir votre garde-robe ! pouffa Lola.

— Tssss ! Indiquez-moi plutôt comment aller chez vous… Que je rigole à mon tour !

Lola lui donna l’itinéraire le plus rapide pour rejoindre son domicile qui se trouvait sur la route du club et quinze minutes plus tard, Martin se garait à proximité de l’immeuble.

— Je vous conseille de monter avec moi si vous ne voulez pas vous énerver tout seul dans la voiture ! suggéra Lola. Je risque de mettre un peu plus longtemps que vous… Et je pourrais même vous offrir un café !

Martin hésita un instant. Voilà longtemps qu’une femme ne lui avait pas proposé de monter chez elle, pour quelque raison que ce soit !

— Allez… insista Lola. Ne faites pas l’e n f a n t ! Je ne vais pas vous manger…

— Ça va… maugréa Martin. J’arrive, j’arrive…

Lola habitait un petit T1 dont toutes les fenêtres donnaient sur une cour assez sombre. Les pièces étaient assez étroites, mais rangées et décorées de façon subtile et harmonieuse, ce qui les faisait paraître un peu plus grandes qu’en réalité.

— Café ? proposa Lola.

— Oui, merci.

Quelques minutes plus tard, Lola revint avec une tasse de café qu’elle déposa sur la table basse.

— Asseyez-vous, je tâche de faire vite…

Martin s’assit dans le canapé et commença à déguster son café tandis que Lola disparaissait dans sa chambre. Tout à tour, il entendit l’eau de la douche couler, puis les bruits des tiroirs que l’on ouvre et que l’on referme. Quinze bonnes minutes durant, il prit son mal en patience en compagnie des sons qui lui parvenaient de la pièce à côté, jusqu’à ce que la porte finisse enfin par s’ouvrir.

— Je suis prête ! On peut y aller…

— Nom de…

Martin manqua de renverser sa tasse lorsqu’il vit Lola réapparaître. Toute de cuir noir vêtue, elle arborait un bustier à lacets qui laissait nue toute la partie supérieure de ses seins et modifiait la notion même de décolleté. Quelques centimètres de peau plus bas, une jupe à peine plus large qu’une écharpe ne cachait même pas le haut des bas résille, le tout étant complété par des bottes qui montaient jusqu’au milieu des cuisses.

— Vous n’allez pas sortir comme ça ? !

— Incroyable ! On croirait entendre mon père… Allez, on y va !

Lola se dirigea énergiquement vers la porte, laissant Martin toujours enfoncé dans son canapé, l’air sidéré par ce qu’il voyait.

— Eh bien, vous auriez peut-être dû l’écouter, votre père…

— Très drôle… Allez, dépêchez-vous !

Lola était déjà sur le palier et attendait, la clé dans la serrure, que Martin daigne la rejoindre, ce qu’il finit par faire en secouant la tête, incrédule.

Durant les quelques dizaines de mètres qui séparaient la voiture de l’immeuble, Martin n’eut de cesse de regarder frénétiquement autour de lui, comme s’il voulait s’assurer qu’on ne puisse le voir en telle compagnie, ce qui eut le don d’agacer prodigieusement Lola.

— Mais c’est dingue ce que vous pouvez être coincé ! s’écria-t-elle. Et arrêtez de gesticuler comme ça en regardant de partout ! On croirait que vous venez de piquer un autoradio !

— J’ai une réputation à tenir, moi ! rétorqua-t-il en ouvrant la portière avant de se glisser promptement à l’intérieur de la voiture.

— Moi, aussi ! répondit Lola en souriant alors qu’elle s’asseyait à son tour.

Durant le trajet, Martin ne put s’empêcher de regarder Lola à la dérobée. Il remarqua également qu’en position assise, la jupe était trop courte pour masquer le minuscule morceau de tissu que sa partenaire portait en guise de culotte. Les mains crispées sur le volant, il essayait désespérément de se concentrer sur la route, mais Lola s’aperçut du manège :

— Ça vous gêne de me voir comme ça ? demanda-t-elle d’une voix redevenue calme et douce.

— Du tout…

Une goutte de sueur perla au front de Martin tandis qu’elle posait une main sur sa cuisse.

— Allez, reprit-elle gentiment. Essayez de vous détendre… Ou bien tout le monde va se douter de quelque chose, là-bas !

Martin sursauta au contact de cette main posée sur lui et cette fois-ci, il tourna la tête pour regarder attentivement son visage. Elle avait noué ses cheveux en chignon, ce qui dégageait sa nuque. Ses lèvres ourlées d’un rouge vif invitaient au baiser tandis que ses yeux bleus délicatement maquillés attiraient le regard comme un aimant. Elle était belle…

Elle était belle. Martin cligna des yeux et son regard retourna en direction de la route tandis qu’il essayait de chasser cette pensée de son esprit. Il se sentait tellement vieux, en face de sa jeune et jolie partenaire… Et puis, tant de choses les séparaient, à commencer par leurs caractères respectifs.

Mais qu’est-ce que t’es en train de faire, putain… Martin, ressaisis-toi !

— Ralentissez, nous sommes presque arrivés, fit remarquer Lola en montrant la façade du club qui se dessinait au loin.

— Vous êtes déjà venue ? demanda Martin en avisant une place de stationnement.

— Qu’est-ce que vous préférez ? Que je vous choque ou que je vous mente ? répondit Lola avec un sourire amusé.

Pour toute réponse, Martin soupira et acheva de se garer. Décidément, ils étaient définitivement trop différents !

La façade du club, entièrement composée de vitres noires, pouvait laisser penser que celui-ci était fermé. Seule une petite lumière à proximité de la sonnette éclairait l’entrée. Sur la lourde porte, une jalousie permettait au videur d’avoir un visuel sur les clients avant d’ouvrir.

— Alors ? On campe ici ou on sonne ? demanda Lola en appuyant sur le bouton devant un Martin toujours aussi emprunté.

— Et une dernière chose, poursuivit-elle, à partir de maintenant, on se tutoie et surtout, tu arrêtes de regarder les gens comme s’ils étaient suspects !

— Je vais essayer…

La porte s’ouvrit sur un vigile en costume qui leur sourit après les avoir rapidement jaugés du regard. S’assurant qu’ils correspondaient au style de clientèle à qui l’établissement était réservé, il les conduisit jusqu’à une seconde porte qui cette fois donnait directement sur l’intérieur du club.

Sur la droite, un immense bar intégralement recouvert de miroirs et sur lequel semblait régner une jeune femme en petite tenue se prolongeait jusqu’au bout de la pièce. En face de l’entrée, une piste de danse, où seules les lumières de projecteurs assuraient le spectacle dans un arc-en-ciel de couleurs, était entourée par de multiples banquettes en skaï noir dans lesquels quelques couples câlinaient gentiment devant un verre. Sur la gauche, enfin, un couloir semblait se perdre dans des pièces sombres aux reflets bordeaux. Martin essaya d’en voir davantage, mais il fut interrompu par un homme venu les accueillir.

— Bienvenue au Guest ! Je suis Armand, le gérant. Laissez-moi vous conduire au vestiaire, après quoi je vous ferai visiter les lieux et vous offrirai une coupe de champagne.

Armand… Armand Teissier, gérant du club et connaissance de Balloch, dont Saldano leur avait parlé dans son rapport. Au moins n’étaient-ils pas venus pour rien.

— Avec plaisir… répondit Lola avec un grand sourire, tout en priant pour que Martin ne commence pas à expliquer qu’il ne buvait jamais pendant le service !

Lola déposa son sac et sa veste au vestiaire, contrairement à Martin qui répondit préférer garder sa veste avec lui, à la grande surprise de l’employé.

— T’as pas peur d’avoir chaud ? lui demanda Lola en récupérant son ticket.

— Ben, en fait, on risque de voir mon flingue, répondit Martin en chuchotant à son oreille.

Le s a n g de Lola ne fit qu’un tour et ses grands yeux bleus s’écarquillèrent sous l’effet de la stupeur.

— Me dis pas que tu as pris ton arme ? Et ta plaque, bien sûr ?

— Euh, oui, la plaque aussi ! C’est quoi le problème ? Je te rappelle qu’on enquête sur un meurtre !

— Vas-y ! Parle plus fort, encore ! Je crois qu’ils ne nous entendent pas, ceux du fond… s’énerva Lola tout en s’eff o r ç a nt de continuer à sourire.

— Pffff ! Je savais que c’était une idée à la con, de toute façon !

Aussi discrètement que possible, Lola balança un coup de coude dans les côtes de Martin afin de le faire taire, alors qu’ils se dirigeaient vers l’étroit couloir qui menait aux pièces sombres.

— Alors ici, expliqua le gérant en désignant une suite d’alcôves en enfilade, vous avez des chambres avec différentes ambiances. Bien sûr, elles communiquent toutes entre elles et la dernière à la particularité d’avoir une face entièrement faite de miroirs sans tain. Parfait pour les exhibitionnistes !

Martin se contenta d’acquiescer poliment tandis que Lola ne se départait pas d’un sourire le plus avenant possible.

— Ici, c’est le glory hole. Entre nous, on l’appelle la pièce Blanche-Neige à cause des sept petits trous ! commenta le gérant, rigolard. Amusant, non ?

— C’est très drôle, répondit Martin pince-sans-rire, avant de secouer la tête dès qu’il eut le dos tourné.

Ils se dirigèrent ensuite vers la pièce qui se trouvait tout au fond du couloir. Encore plus sombre que les autres, elle était équipée de divers objets de t o r t u r e à faire frissonner n’importe quel visiteur non initié au monde du SM.

— Et donc pour finir, le donjon, avec sa croix de Saint-André. Certains de nos clients adorent ! précisa le gérant non sans une certaine fierté. Je suis d’ailleurs certain que ce sera le cas de Madame, non… dit-il en laissant traîner son regard sur les habits de Lola.

— Peut-être… nous verrons… répondit Lola énigmatique. En attendant, je crois que nous allons commencer par nous rafraîchir au bar.

— Je vous en prie ! Une coupe de champagne vous y attend.

Martin et Lola prirent place sur les chaises hautes. Une fois encore, le regard de Martin se porta en haut des cuisses de Lola qui fit mine de ne pas s’en apercevoir, mais ne put s’empêcher de sourire. Sous son allure austère et ses airs protecteurs, elle était persuadée que son collègue n’était finalement pas insensible à ses charmes.

Teissier leur servit une coupe de champagne à chacun, tout en essayant de cerner ses nouveaux clients.

— Alors ? Vous allez souvent en club ?

— Ça nous arrive, répondit Lola. En fait, on va généralement dans des soirées plus… privées. Mais c’est une connaissance qui nous a conseillé votre établissement… Xavier Balloch, un auteur de livres érotiques. Je suis une grande fan et je vais à toutes ses dédicaces !

En entendant prononcer le nom de Xavier Balloch, Teissier se décomposa littéralement.

— Vous… vous connaissiez Xavier ? bégaya-t-il.

— Oui, enfin… connaître, c’est beaucoup dire. On s’est déjà rencontré une fois ou deux. Pourquoi ? Il y a un problème ?

— Vous n’avez pas entendu les infos ? Il est m o r t ce matin…

— Mon Dieu ! C’est horrible, feignit Lola. Comment est-ce arrivé ?

— À la radio, ils ont parlé d’un accident de chasse, à ce qu’il paraît.

— Mon Dieu… Je suis vraiment navrée. Vous vous connaissiez bien ?

— Plus que ça… Il devait devenir mon associé, ici…

— Eh bien… Et ce n’est pas trop dur d’être ici, en de telles circonstances ? Je veux dire…

— Je vois ce que vous voulez dire. Effectivement, ce n’est pas facile, mais que voulez-vous… La clientèle n’a pas d’états d’âme. Et puis, si je veux sauver le club, je suis bien obligé d’ouvrir… Surtout maintenant ! Excusez-moi, on m’attend derrière.

Lola se tourna vers Martin avec un grand sourire aux lèvres :

— Alors ? Tu vois qu’on a bien fait de venir !

— Je vois surtout qu’il ne m’a pas l’air des masses perturbé par la m o r t de son ami…

— Tu as entendu comme moi… Ils devaient s’associer, sans doute parce que les finances du club n’allaient pas très fort. Maintenant, il se retrouve dans la m e r d e , donc la question est : à qui la fermeture du Guest pourrait-elle profiter ?

— Sans doute, répondit Martin peu convaincu. N’empêche, il ne m’a pas l’air très net, ton bonhomme.

— Dis plutôt que ça te dérange que grâce à moi, l’enquête avance… lui fit remarquer Lola avec malice tout en croisant les jambes et en se rapprochant de lui.

— Du tout ! mentit Martin en évitant que son regard ne perde de l’altitude en direction de ses seins. C’est juste que je le sens pas, c’est tout.

— Attends, je te dis pas qu’il est clean, admit Lola. Juste qu’à mon avis, il est innocent pour le meurtre de Balloch.

Pendant qu’ils discutaient, quelques personnes avaient fait leur entrée et le club commençait à s’animer quelque peu. Sur la piste de danse, deux femmes se déhanchaient lascivement devant leurs compagnons respectifs.

— Je me demande si on ne devrait pas faire comme eux… dit Lola en désignant les danseurs.

— Quoi ? s’écria Martin. Moi là-dessus ? Jamais !

— Ce que tu peux être vieux jeu ! s’esclaffa Lola. C’est ridicule… Reste là à tenir le bar si tu veux, moi j’y vais.

Joignant les actes aux paroles, Lola se dirigea avec entrain en direction de la piste de danse et commença à se déhancher en rejoignant les deux femmes, sous le regard effaré de Martin.

Tout en bougeant de la façon la plus excitante qui soit, elle laissait ses mains parcourir son corps, remontant parfois légèrement sa jupe qui n’avait pourtant pas besoin de ça pour exhiber ce qu’il y avait en dessous. Seul au bar, Martin bouillait d’une jalousie qu’il essayait tant bien que mal de refouler.

Mais c’était peine perdue… Voir sa jeune collègue exposée de la sorte à tous les regards le mettait en rage. Aussi, lorsque la boule qu’il sentait dans son ventre devint insupportable, il décida de se mêler lui aussi au petit groupe qui s’était formé.

Il traversa donc la piste de danse et vint s’asseoir à côté des autres hommes qui regardaient danser leurs compagnes, mais pas seulement : Martin remarqua rapidement que leurs yeux se portaient davantage sur Lola que sur leurs femmes…

Difficile cependant de leur en vouloir tant sa jeune partenaire se mouvait avec grâce et savait utiliser ses habits de cuir pour tour à tour exhiber ou cacher certaines parties de son anatomie !

— Vous avez de la chance !

— Je vous demande pardon ? répliqua Martin à l’homme assis à son côté, non sans une pointe d’agressivité.

— Vous avez une très belle femme, répéta l’homme, pensant que Martin n’avait pas entendu. Vous avez beaucoup de chance.

Il appuya sa phrase d’un clin d’œil et attendait très certainement que Martin lui renvoie le compliment, mais celui-ci se contenta d’un laconique « Merci ! », ce qui était finalement un moindre mal au vu de son humeur.

Pendant ce temps, Lola continuait de jouer avec son corps sur la piste de danse, mais en se rapprochant peu à peu des deux autres femmes qui paraissaient très réceptives à ses regards lourds de sous-entendus. Et sous les yeux d’un Martin ébahi, les trois femmes commencèrent bientôt à se caresser dans des mouvements à damner un saint.

— Elles ont l’air de bien s’entendre, vous ne trouvez pas ? insista l’homme.

— Très bien, oui… répondit Martin d’une voix à peine audible.

— Ça vous tenterait d’aller dans un endroit plus calme avec mon collègue et sa femme ?

— Je… comment ?

Sans attendre la réponse, l’homme se leva pour aller murmurer quelques mots à son épouse qui était en train de succomber sous les caresses de Lola. Aussitôt, celle-ci sembla acquiescer en opinant du chef. Martin, quant à lui, cherchait Lola du regard en l’implorant de venir à son secours ! Malheureusement pour lui, cette dernière parut enchantée de la proposition et il fallut qu’elle entraîne Martin par le bras afin de rejoindre les deux autres couples dans une alcôve un peu à l’écart.

— Nous voilà plus à l’aise pour faire connaissance ! lança l’homme qui avait initié ce gênant rapprochement. Je m’appelle Laurent. Et voici ma femme Isabelle.

— Enchantée de vous connaître ! murmura la jeune femme tout en s’asseyant à côté de Martin.

— Euh… Je… Enchanté !

— Je suis Lola. Et voici Martin, mon ami, précisa-t-elle, volant ainsi au secours du pauvre inspecteur qui ne savait plus où se mettre, coincé qu’il était dans une situation qui le dépassait totalement.

Le dernier couple se présenta à son tour sous les noms de Marc et Océane. Après quoi un silence gênant s’installa dans l’alcôve, seulement rompu par le bruit des basses diffuses qui parvenaient depuis la piste de danse.

— Alors, questionna Laurent en regardant Martin. Vous venez souvent ici ?

— Eh bien… Non, pas vraiment, nous…

— C’est la première fois ! répondit Lola, laissant Martin à ses hésitations. Excusez mon copain, il est un peu timide…

Lola lança un regard amusé en direction de son « copain » en souriant gentiment. Elle savait qu’à la seconde où ils mettraient un pied en dehors du club, elle aurait droit à une sévère engueulade, mais le plaisir qu’elle ressentait à le taquiner prenait le pas sur tout le reste. Car malgré son air bougon et ses mauvaises manières, il ne la laissait pas indifférente.

Martin lui répondit par un regard noir qui fit immédiatement place à la surprise lorsque la main d’Isabelle vint se poser sur sa cuisse.

— C’est normal, la première fois, dit la jeune femme en commençant à le caresser. Nous sommes tous passés par là, n’est-ce pas ?

— Absolument, renchérit Laurent. Nous, ça fait maintenant presque un an que nous venons régulièrement. Surtout depuis que nous avons rencontré Marc et Océane…

Le couple, qui n’avait encore rien dit, acquiesça.

— Et comment avez-vous connu l’endroit ? demanda Marc.

— Oh, par le biais d’une connaissance, répondit Lola avec désinvolture. Xavier Balloch…

Elle scruta aussitôt les différents visages afin de jauger de leur réaction et remarqua immédiatement que le trouble s’était emparé d’Océane. Des mains qui se croisent nerveusement, le regard baissé… Certains détails ne trompaient pas.

— Connais pas ! répondit Marc. C’est un habitué ?

— Il vient de temps en temps, répondit Lola sans quitter Océane du regard.

— Jamais entendu parler, renchérit Laurent. Et si on commençait à se mettre à l’aise ?

Il montra l’exemple en se débarrassant de sa veste, bientôt imité par Marc qui commença à caresser sa femme.

— Excellente idée ! approuva Isabelle dont les caresses sur la cuisse de Martin se faisaient plus appuyées, tandis que ce dernier se montrait de plus en plus nerveux.

Lola se rapprocha d’Océane et commença à lui caresser le visage tandis que les mains de son mari parcouraient ses jambes. Puis, s’approchant davantage, elle se mit à embrasser son cou, tandis que ses mains se hasardaient bientôt sur la jolie poitrine qu’un bustier rouge mettait parfaitement en valeur.

Lola avait deviné en les voyant agir sur la piste de danse que les deux jeunes femmes étaient bisexuelles. Songeant au trouble qui avait assombri le visage d’Océane lorsqu’elle avait évoqué Balloch, Lola savait qu’elle avait tout intérêt à se rapprocher de la jeune fille.

Martin, quant à lui, subissait les assauts d’Isabelle sous le regard amusé de son mari. La main de la jeune femme avait délaissé la cuisse pour un endroit autrement plus érogène, tout en haut de son pantalon dont elle commençait à défaire les boutons sous le regard impuissant de Martin.

Que faire ? Il pouvait difficilement se lever et partir. Il ne pouvait pas non plus aller trop loin tant pour des raisons morales que pratiques, son revolver et sa plaque étant toujours sous son blouson !

Voilà donc plusieurs minutes qu’il se maudissait d’avoir accepté ce plan tordu. Sans compter que voir sa jeune collègue en train d’embrasser une femme ne participait pas à le mettre à l’aise, bien au contraire…

Isabelle avait maintenant sa main à l’intérieur du pantalon de Martin. Et sous l’effet de ses caresses, elle sentit un sexe qui commençait à grossir, au grand dam de l’intéressé ! Mais la jeune femme était bien trop occupée à ce qu’elle était en train de faire pour se rendre compte du trouble de Martin et sans retenue aucune, elle glissa la main à l’intérieur du caleçon avant d’en sortir un sexe à l’état d’excitation bien avancé !

Martin s’eff o r ç a i t de garder les yeux fermés tant pour enfermer son plaisir que pour tenter d’échapper à ce qu’il était en train de vivre. Et lorsqu’il les rouvrit, ce fut pour découvrir Lola, la tête entre les cuisses d’Océane, léchant le sexe imberbe et humide de la jeune femme tandis que son mari l’embrassait goulûment tout en lui caressant les seins.

Incrédule face à ce qu’il voyait, Martin referma les yeux aussitôt, mais il ne tarda pas à sentir que ce n’était plus une main qui s’affairait autour de son sexe… Mais la bouche experte d’Isabelle qui faisait naviguer sa langue autour du gland. C’est alors que, sous l’envoûtement du lieu et de la situation, il oublia qui il était, ce pour quoi il était là et se laissa enfin aller au plaisir. Ses mains tétanisées une seconde auparavant se mirent à caresser la tête d’Isabelle, l’incitant même à prendre en bouche la totalité de sa queue. Désormais, voir Lola lécher le sexe d’Océane l’excitait profondément au lieu de le mettre mal à l’aise. Peu importaient les conséquences, il allait enfin prendre son pied, lui l’indécrottable célibataire que des années de solitude avaient éloigné de tout plaisir charnel.

Sentant que son partenaire se montrait enfin réceptif, Isabelle se fit également plus entreprenante. Se débarrassant de la totalité de ses habits, elle monta ses genoux sur le canapé, de chaque côté des jambes de Martin et vint s’empaler sur sa queue, arrachant à son partenaire un râle de plaisir.

Lentement d’abord, elle fit coulisser en elle le sexe gonflé de désir, puis accéléra le mouvement en poussant de petits gémissements, prémices d’une jouissance que chacun voulait retarder le plus possible.

N’y tenant plus, Laurent cessa de se masturber et vint se positionner derrière sa femme. Il lui caressa tout d’abord l’anus avec ses doigts humectés de salive, avant de saisir son sexe bandé pour le conduire vers le petit trou qui céda bientôt devant son insistance. Cette deuxième pénétration fit tressaillir Isabelle qui se cambra sous l’effet conjugué des deux membres qui s’agitaient en elle. Quant à Martin, il était désormais incapable de raisonner de manière cohérente, l’esprit totalement embrumé par le divin plaisir qui lui était procuré. Tout au plus remarqua-t-il qu’en lieu et place de la chatte d’Océane, il y avait désormais le sexe dressé de Marc qui se présentait devant la bouche de Lola. Il remarqua également qu’Océane avait disparu, laissant son mari seul avec sa coéquipière qui s’activait maintenant autour de la queue du mari.

Jamais, bien évidemment, il ne s’était retrouvé en pareille situation. Jamais il n’avait jusqu’alors connu cette sensation d’abandon total au plaisir. Il aurait dû repousser sa partenaire et se lever. Comprendre pourquoi Océane, cette jeune femme dont le visage s’était décomposé à l’évocation de Balloch, s’était soudainement volatilisée…

Bien entendu, il n’en fit rien, laissant les hormones et son instinct primaire guider son avenir immédiat.

Lola ne s’était pas aperçue immédiatement du départ d’Océane, occupée qu’elle était à sucer le sexe de Marc. Et ce n’est que lorsque celle-ci réapparut que Lola se douta que quelque chose clochait. Bien que la jeune femme s’excusât à son retour en prétextant être allée aux toilettes, Lola ne fut pas convaincue et ne put s’empêcher de penser que la jeune femme avait quelque chose à se reprocher.

Mais quoi faire ? Tout comme Martin, elle était désormais obligée d’aller au bout du jeu auquel ils prenaient part. Ayant réussi jusqu’ici à préserver leur véritable identité, ils ne pouvaient pas tout foutre en l’air maintenant…

Reprenant part aux hostilités, Océane entreprit de remonter la jupe de Lola et de descendre son string jusqu’à ses genoux, avant de promener sa langue sur toute son intimité.

Est-ce la vue de sa partenaire, ainsi exposée à quatre pattes, le cul à l’air qui déclencha l’orgasme ? Toujours est-il que Martin explosa dans le ventre d’Isabelle, libérant un flot de sperme dans un soubresaut incontrôlé. Presque immédiatement après, Laurent en fit de même dans son cul et lorsque la jeune femme se releva, le fruit de la jouissance des deux hommes s’épancha de ses trous ouverts avant de glisser le long de ses cuisses.

Incapable de bouger, incapable de parler, Martin resta de longues secondes prostré sur le canapé tandis qu’Isabelle prenait la queue de son mari dans la bouche. Puis, voyant que leurs amis et Lola semblaient engagés dans un trio infernal, Laurent proposa à Martin de les suivre au bar afin de se rafraîchir en attendant que les autres en aient terminé.

Martin ne savait trop que faire. Il avait quelques scrupules à abandonner Lola avec ces deux personnes au sujet desquelles il nourrissait bien des doutes. D’un autre côté, il ne se voyait pas rester seul à tenir la chandelle devant ces trois corps qui se mélangeaient allègrement. Aussi, c’est à contrecœur qu’il suivit Laurent et Isabelle jusqu’au bar.

Lola ne prêta aucune attention à eux lorsqu’ils quittèrent la pièce. Désormais, Marc et Océane avaient inversé les rôles et tandis que Lola léchait le sexe d’Océane à bouche-que-veux-tu, Marc la pénétrait v i o l emment en lui tenant fermement les hanches et en faisant claquer son bassin contre son cul à chaque va-et-vient.

— Alors, demanda Isabelle à Martin tout en posant la main entre ses jambes, avez-vous apprécié ?

— Eh bien… oui… énormément… répondit Martin qui ne pouvait s’empêcher de jeter des coups d’œil en direction de l’alcôve où sa partenaire continuait à se livrer en pâture à l’autre couple. C’était… comment dire…

— Très, très chaud ! coupa Laurent en portant une coupe de champagne à ses lèvres. À notre rencontre ! Puisse-t-elle être suivie de beaucoup d’autres… J’avoue qu’il ne me déplairait pas de passer un moment en compagnie de Lola !

Il appuya sa réflexion par un clin d’œil qui mit Martin mal à l’aise. En effet, ce dernier commençait à retrouver quelque peu ses esprits et il n’allait pas supporter bien longtemps d’entendre parler de sa partenaire avec autant de désinvolture.

Dans l’alcôve, Lola avait toujours le nez fourré dans la chatte d’Océane tandis que le sexe de Marc naviguait dans son vagin. Bientôt, elle sentit les mouvements s’accélérer puis les contractions annonciatrices de la jouissance. Et quelques instants plus tard, Marc se vidait en elle dans un long râle de plaisir. Elle le sentit se retirer. Elle sentit aussi le liquide chaud couler le long de ses cuisses.

Quelques secondes plus tard, il y eut le bruit sourd d’un v i o l ent contact du métal contre la chair. Et la jeune femme qui n’avait pas encore repris ses esprits s’écroula sur le sol.

Martin avait fini sa coupe de champagne et écoutait désormais Laurent et Isabelle raconter leurs exploits sexuels dans les différents clubs de la capitale. Sentant qu’il allait bientôt perdre patience, il se leva et se dirigea vers l’alcôve afin de voir où en était sa partenaire.

— Ne vous en faites pas, elle est en bonne compagnie, vous savez ! se moqua gentiment Laurent en essayant de le retenir. Je suis sûr qu’elle prend son pied.

Martin lui lança un regard sans équivoque et poursuivit son chemin en laissant le couple au bar. Sans pouvoir l’expliquer, il avait un mauvais pressentiment et alors qu’il atteignait le couloir, son pas se fit plus pressé. Mais c’est lorsqu’il entra dans l’alcôve que son cœur fit un bond dans sa poitrine : elle était vide.

— Nom de Dieu !

Il ressortit aussitôt et entreprit de cherche sa collègue dans une autre alcôve. Ne l’ayant pas vue ressortir du couloir qui débouchait sur la piste de danse, elle devait f o r c é ment se trouver dans l’une d’entre elles. À moins que…

Il entra brusquement dans chacune des pièces qui donnaient sur le couloir, provoquant les protestations véhémentes de leurs occupants, mais il n’en avait cure. Après avoir fait le tour de toutes les pièces, il retourna dans celle qu’ils avaient occupée. Il sortit son portable afin de rajouter un peu de lumière et scruta minutieusement la pièce.

Sur le sol, il remarqua, outre les traces de sperme, de petites taches rouges à l’endroit où se trouvaient Lola et l’autre couple lorsqu’il avait quitté la pièce.

— Putain de m e r d e !

Son regard remonta sur le flanc du canapé : les mêmes taches qui ressemblaient à s’y méprendre à du s a n g .

Il surgit à nouveau dans le couloir tel un diable sortant de sa boîte et se dirigea vers la pièce du fond, ignorant les protestations des occupants qu’il bouscula allègrement. C’est alors qu’il aperçut, derrière la croix de Saint-André, ce qui pouvait s’apparenter à une porte dérobée.

Il put en distinguer l’ouverture, car celle-ci avait été mal refermée. Il se rua aussitôt sur la porte qui donnait sur un autre couloir. Au bout de celui-ci, une autre porte qui devait donner sur la rue, à en croire l’affichage lumineux du panneau de sortie de secours. Courant dans l’étroit corridor, la main sur son arme, il ouvrit la porte et une v i o l ente douleur à l’épaule le saisit en même temps qu’il entendit le coup de feu. Tout juste eût-t-il le temps de refermer la porte sur lui qu’une autre balle ricochait contre le métal de la porte. Malgré sa blessure, il resta de longues secondes agrippé à la poignée afin d’empêcher l’agresseur de l’ouvrir de l’extérieur. Ce n’est que lorsqu’il entendit le bruit d’un véhicule qui démarrait en trombe qu’il se risqua à la rouvrir avant de balayer la zone avec son arme : il n’y avait plus personne.

Tournant la tête en direction du bruit du moteur, il ne put qu’apercevoir la voiture disparaître au coin de la rue.

Lorsque le commissaire Saldano fit irruption dans le club, l’établissement ressemblait davantage à une annexe du commissariat qu’à un club échangiste.

Partout, des hommes en bleu s’affairaient à fouiller dans les moindres recoins à la recherche d’indices éventuels tandis que des inspecteurs en civil interrogeaient les nombreux témoins. Martin, quant à lui, semblait au bord de la crise de nerfs et à deux doigts de commettre une irréparable bavure sur Laurent et Isabelle, le couple avec qui il venait de s’envoyer en l’air moins d’une heure auparavant.

— Écoutez-moi bien, tous les deux ! hurla-t-il. Vous allez me dire absolument tout ce que vous savez sur les deux ploucs avec qui vous traîniez lorsque ma collègue et moi sommes arrivés ! Ou je vous garantis que vous allez avoir du mal à compter vos dents intactes avec vos doigts cassés !

— Martin ! aboya Saldano, du calme, nom de Dieu ! Allez-vous rafraîchir les idées dehors. Je m’occupe de ces deux-là…

— Mais Commissaire…

— Pas de mais ! Vous êtes trop impliqué ! Sortez immédiatement !

Pris d’un v i o l ent accès de rage et malgré les souffrances que lui infligeait sa blessure à l’épaule, Martin saisit l’un des tabourets du bar et le fracassa contre le dossier d’une banquette. Puis il ramassa sa veste et se dirigea vers la sortie sans cesser d’invectiver les deux suspects à grand renfort d’insultes en tout genre.

Une fois dehors, il s’adossa contre le mur du club en regardant les gyrophares éclairer la nuit par intermittence. Loin de se calmer, il se remémora les derniers instants qu’il avait passé dans cette fameuse pièce en cherchant ce qu’il avait pu louper. Malheureusement, cet exercice lui apporta davantage de questions que de réponses et ne réussit nullement à l’apaiser.

Au contraire… Il finit même par regretter d’avoir appelé la cavalerie aussitôt après avoir vu la voiture disparaître au loin. Sans trop de témoins et surtout sans hiérarchie, il aurait pu cuisiner Laurent et Isabelle comme il l’aurait voulu, c’est-à-dire à grand renfort de menaces et de coups, au vu de la colère qui l’habitait.

Et Lola…

Où pouvait-elle bien être à présent ? Était-elle gravement blessée ? Était-elle seulement toujours en vie ?

Martin se refusa à imaginer le pire pour sa jeune collègue, mais il devait se rendre à l’évidence : les circonstances ne jouaient pas en sa faveur… Les traces de s a n g étaient probablement les siennes et un criminel capable de faire sauter un immeuble n’aurait aucun scrupule à se débarrasser d’un flic !

Tout à ses interrogations, un problème auquel il n’avait pas encore pensé fit brusquement irruption dans son esprit : Lola, tout comme lui, avait laissé certains fluides corporels que les enquêteurs qui passaient actuellement la pièce au peigne fin ne manqueraient pas de trouver. Sans compter le témoignage du couple libertin par qui tout était arrivé…

— Putain… C’est un cauchemar ! jura-t-il tout haut en donnant un coup de pied dans la façade du club avant de se prendre la tête à deux mains.

Qu’allait-il bien pouvoir dire à Saldano lorsque les analyses reviendraient du labo ? Comment allait-il expliquer la présence de son sperme sur la moquette de la salle, sans compter la cyprine de Lola dont quelques centimètres carrés de moquette devaient encore être imbibés !

Cette fois-ci, les choses s’annonçaient vraiment mal et son emploi, tout comme son avenir immédiat étaient en jeu. Lui dont le travail avait, par le passé, été salué de façon unanime par ses supérieurs, pouvait se retrouver à un carrefour dès la semaine prochaine… Ou pire : en prison !

Désespéré comme rarement il l’avait été, il reprit sa voiture et rentra chez lui. Dès qu’il fut enfermé dans son appartement, il ouvrit une bouteille de whisky et s’en servit un verre, puis deux…

Au fur et à mesure, les doses augmentèrent de façon vertigineuse et lorsque la moitié de la bouteille fut vidée, Martin s’effondra dans le canapé, laissant le verre vide choir sur le carrelage dans un fracas qui dut réveiller la moitié de l’immeuble.

Malgré l’heure tardive, ce ne fut pas le soleil, dont les rayons filtraient au travers des persiennes, qui sortit Martin de son coma. Mais un mal de tête assorti d’une gueule de bois à vous faire passer l’envie d’y retourner durant les dix prochaines années !

La main sur le front, Martin se dirigea en titubant vers l’armoire à pharmacie, d’où il sortit une boîte de cachets d’aspirine. Il tâta également son épaule et retira le pansement que lui avaient mis les secours : ce n’était qu’une égratignure, la balle n’ayant fait que le frôler. Mais la douleur due à la brûlure était encore bien présente. Après avoir ingurgité davantage de cachets que la dose prescrite, il consulta son portable : par six fois, le commissariat avait tenté de le joindre.

Il était trop top pour que les analyses soient déjà revenues du labo. Il était donc probable que le couple libertin avec qui Lola et lui avaient fricoté la veille avait fait une description particulièrement détaillée de la soirée. Ne pouvant plus échapper davantage au désastre qui l’attendait, Martin se résigna donc à prendre la direction du 36 où Saldano devait l’attendre de pied ferme…

— On peut savoir où vous étiez passé ? beugla ce dernier à l’instant même où Martin franchit les portes du commissariat. Ça fait trois heures qu’on essaie de vous joindre !

— C’est vous qui m’avez demandé de sortir pour me calmer, chef !

— Arrêtez de me prendre pour un con ! éructa Saldano. Dans mon bureau ! Tout de suite !

Martin obtempéra sans broncher. Il connaissait trop bien le commissaire pour savoir que lorsqu’il se trouvait dans cet état, il était inutile de discuter. L’inspecteur s’assit donc sur une chaise et attendit que Saldano en vienne aux faits.

— J’ai passé deux heures avec Isabelle et Laurent Marquez, hier soir… commença le commissaire en s’asseyant sur un coin de son bureau. Avez-vous la moindre idée de ce qu’ils ont pu me raconter ?

— Aucune idée ! J’étais pas là… Vous vous rappelez ?

— Écoutez, Lucas… fit Saldano en allant s’asseoir derrière son bureau. Cette affaire sent de plus en plus mauvais. D’un simple meurtre, on est passé à une affaire qui dépasse le cadre d’une enquête criminelle. Un immeuble qui saute, un flic qui se fait enlever… Vous savez où bosse Martinot, le type dont vous avez baisé la femme ? Il est chef de cabinet au ministère de l’Intérieur ! En d’autres termes : il n’était pas là-bas hier soir ! Contrairement à vous…

— Je ne l’ai pas touchée, sa femme ! se défendit Martin. C’est Lola qui… s’est occupée d’elle. Et puis ça ne date pas d’hier que la haute s’envoie en l’air à ses heures perdues. Chefs de cabinets, préfets… Combien de fois a-t-on dû cacher la poussière sous le tapis ? Des dizaines !

— Sauf que cette fois-ci, coupa Saldano, on a un inspecteur sur le carreau ! Lola Kramer… Vous avez oublié ?

Martin regarda sévèrement son supérieur.

— Comment pouvez-vous imaginer un seul instant que j’aie pu l’oublier ? Pourquoi croyez-vous que je vous ai immédiatement prévenu ?

Martin quitta sa chaise et se mit à arpenter le bureau de long en large.

— D’ailleurs, j’aurais peut-être mieux fait de ne pas vous appeler… poursuivit-il. Quand on voit le résultat !

— Attention, inspecteur ! Vous dépassez les bornes. N’oubliez pas que votre situation est des plus délicates, si vous voyez ce que je veux dire…

— Je vois très exactement ce que vous voulez dire ! répondit Martin d’un ton menaçant en se penchant sur le bureau de son supérieur. Et j’imagine que vous allez me suspendre, c’est bien ça ? C’est vrai que je fais un excellent bouc émissaire ! Après ça, l’honneur sera sauf… et les glands de ce monde pourront continuer à péter dans la soie !

— Je suis désolé, Martin… On ne me laisse pas le choix.

Martin se retourna vers la porte, tournant le dos quelques instants à Saldano. Puis il revint en direction du bureau, sortit son arme et sa plaque qu’il jeta sur les dossiers qui traînaient.

— Tenez ! Allez au diable !

Comme il se dirigeait vers la porte, celle-ci s’ouvrit en coup de vent sur un jeune auxiliaire qui entra en trombe.

— Commissaire ! Vous ne devinerez jamais… Le s a n g qu’on a trouvé au Guest : c’est pas celui de Lola Kramer !

Tandis que le jeune policier se tenait toujours dans l’entrée, ses résultats dans la main, Martin et Saldano se regardèrent sans comprendre, après quoi le commissaire fut le premier à réagir :

— Comment ça, c’est pas son s a n g ? C’est celui de qui, alors ?

— Aucune correspondance dans la base. Tout ce qu’on sait, c’est qu’il s’agit du s a n g d’une seule personne. Une personne du groupe A rhésus négatif.

— Très bien… fit Saldano en prenant les documents de la main de l’auxiliaire. Vous pouvez disposer.

Pendant que le commissaire refermait la porte du bureau, Martin réfléchissait aux implications de cette découverte. Si le s a n g que l’on avait trouvé au club n’était pas celui de Lola, cela ne pouvait vouloir dire qu’une chose : la jeune inspectrice était impliquée de près ou de loin dans cette sordide affaire ! Restait à savoir à quel niveau.

— Nom de Dieu… souffla Saldano en se laissant tomber dans son fauteuil. Cette histoire devient de plus en plus dingue ! J’imagine que vous savez ce que ça veut dire…

— Je cherche une autre solution… répondit Martin, à la fois rassuré de savoir Lola vivante et agacé de s’être fait mener par le bout du nez de pareille façon !

— OK, fit Saldano. Ils sont trois personnes dans cette foutue pièce. Des coups sont donnés, une personne saigne et ce n’est pas Lola Kramer. Soit le mec les assomme toutes les deux, mais jamais il ne peut les traîner tout seul jusqu’à sa voiture en si peu de temps, soit Lola, ou l’un des deux autres, à savoir probablement Martinot assomme sa femme et à ce moment-là, ils sont deux à pouvoir porter un corps, ce qui me paraît nettement plus crédible ! Beaucoup plus ennuyeux, certes… mais plus crédible.

Martin se laissa à son tour tomber sur la chaise et regarda son chef d’un œil désabusé.

— Comment a-t-elle pu nous berner à ce point… C’est pas possible ! Vous la connaissiez ? Vous savez d’où elle sort ?

— Je ne sais rien de plus que ce qu’il y avait d’écrit sur la note que j’ai reçue ! Une jeune inspectrice en cours de spécialisation… J’ai encore le papier, dit-il en tendant le document à Martin. Tenez, tout est conforme : signature, tampon, logo du ministère de l’Intérieur…

— Du ministère de l’Intérieur ? répéta Martin en regardant Saldano qui venait de comprendre en même temps que lui…

— Bordel de m e r d e ! Martinot !

Sous le coup du choc provoqué par ce qu’ils venaient de découvrir, Saldano se laissa tomber au fond de son fauteuil tandis que Martin, incrédule, semblait désespéré de s’être laissé a b u s e r par Lola, lui l’inspecteur chevronné.

— Qu’est-ce que vous allez faire ? demanda Martin avec détachement, histoire de rappeler à son patron que tout ça ne dépendait plus de lui, désormais.

— Je n’en ai foutrement aucune idée ! Martinot est intouchable et on n’a aucune idée de l’endroit où se cache Lola Kramer, pas plus que l’on sait si la victime est vivante… En gros, on ne sait rien !

— Bon… Eh bien, je vais vous laisser, répondit Martin en se levant de sa chaise. Je vais profiter de mes vacances f o r c é es !

Mais à peine avait-il atteint la porte du bureau que la voix de Saldano tonna dans la pièce :

— Lucas !

— Oui, commissaire ?

— Les vacances attendront ! Récupérez votre attirail et démêlez-moi ce merdier !

— Mais… Commissaire…

— Pas de mais ! Je suis persuadé que votre suspension faisait partie de leur plan. Alors, retournez-moi la ville, interrogez qui vous voulez tant que vous ne vous approchez pas de Martinot, mais retrouvez-moi sa femme ! Elle est la seule à pouvoir nous apporter des réponses, à l’heure qu’il est…

— Très bien… répondit Martin en récupérant son arme et sa carte de police. Mais je pense qu’il y a une chose que vous pourriez faire… Vous vous souvenez du rouge à lèvres qu’on a trouvé chez Balloch ?

— Oui ?

— Faites accélérer le mouvement au labo et faites comparer l’ADN avec le s a n g trouvé au club…

— À quoi vous pensez ?

— Juste une intuition ! lança Martin avant de sortir du bureau.

Sitôt après avoir quitté Saldano, Martin sortit du commissariat et se mit à marcher le long de la Seine. Il avait besoin de calme pour digérer tout ce qui s’était passé ce matin et réfléchir à la façon dont il devait poursuivre son enquête.

Dans la cave d’un immeuble, quelque part dans Paris.

Lorsqu’elle revint à elle, Océane ressentit une v i o l ente douleur à l’arrière du crâne. Quelqu’un l’avait frappée. Mais qui ? Et pourquoi ?

Reprenant peu à peu ses esprits, elle se rendit compte qu’on l’avait attachée, nue, jambes et bras écartés sur une sorte de cadre métallique posé à l’horizontale. L’inquiétude fit alors place à la terreur et elle se mit à hurler à pleins poumons, sans savoir que là où elle se trouvait, personne ne pouvait l’entendre, ses geôliers mis à part.

— Tiens donc ! On est réveillée ?

La voix qui venait de derrière se rapprocha et elle put distinguer le visage d’un homme qu’elle n’avait jamais vu jusqu’ici.

— Qui êtes-vous ? Et pourquoi me retenez-vous ici ? demanda-t-elle entre deux s a n g lots pleins de colère. Savez-vous qui je suis ?

Une gifle vint s’abattre sur son visage déjà ens a n g lanté.

— Ta gueule ! Nous savons très bien qui tu es… Quant à qui nous sommes… poursuivit l’homme en rapprochant son visage plein de menaces du sien, c’est bien peu important ! Tu devrais plutôt te soucier de ce qu’on va te faire…

Elle entendit des rires fuser depuis le fond de l’espèce de cave humide où elle était prisonnière. Combien étaient-ils ? se demanda-t-elle. Deux ? Trois ? Peut-être plus…

— Alors, ma belle ? Bien dormi ?

La voix de femme qu’elle venait d’entendre lui rappelait vaguement quelque chose, mais ce n’est que lorsque la jeune fille se pencha au-dessus d’elle qu’elle la reconnut tout à fait.

— Mais… Que faites-vous là ? s’étonna Océane en voyant la femme avec qui elle avait baisé la veille au soir. Et que me voulez-vous ?

— Oh… Moi, rien, répondit Lola avec un étrange sourire aux lèvres. Je suis juste ici… en spectatrice !

Elle commença à lui caresser les seins malgré les protestations d’Océane qui ne comprenait strictement rien à ce qui lui arrivait. C’est alors qu’elle vit un deuxième homme rejoindre celui qui venait de la gifler.

Le pantalon aux genoux et la queue à l’air, ils se masturbaient lentement en regardant Océane qui commençait à avoir une vague idée de ce qu’elle allait devoir endurer : les pieds et les poings solidement attachés au cadre, les jambes écartées et les genoux légèrement repliés, elle comprit qu’elle était dans la position idéale pour subir les assauts des deux hommes dont le sexe commençait à grossir devant elle.

Assis à la terrasse d’un café, Martin réfléchissait toujours à un moyen de retrouver la femme de Martinot. Et accessoirement Lola, son ex-coéquipière et désormais suspect numéro un concernant la disparition de la femme du chef de cabinet. Il avait beau retourner le problème dans tous les sens, Martin ne voyait toujours pas comment une jeune femme dont il avait été à deux doigts de tomber amoureux pouvait l’avoir berné à ce point. Il repensa à son attitude sur les scènes de crime, au domicile de Balloch lorsqu’il avait retrouvé le rouge à lèvres, où elle avait également remarqué l’absence de manuscrits…

— Et si tout ça n’avait rien à voir avec le Conbourt ? pensa Martin à haute voix en dégustant son expresso. Dès le départ, ils avaient privilégié la piste d’un concurrent ou en tout cas d’une personne du milieu littéraire… Mais rien ne prouvait que c’était réellement le cas, surtout depuis qu’il avait appris que Balloch s’apprêtait à investir dans le club de son associé. Et puis, il y avait son intuition…

Ses réflexions furent interrompues par la sonnerie de son portable. C’était le commissariat.

— Lucas, j’écoute !

— Saldano à l’appareil… Martin, il faut que vous rappliquiez immédiatement. On vient de terminer l’interrogatoire des personnes qui étaient présentes au Guest hier soir et l’une d’elles a reconnu Lola !

— J’arrive !

Aussitôt après avoir raccroché, Martin jeta un billet sur le comptoir et regagna le 36. Dans le bureau de Saldano, une jeune femme d’une trentaine d’années au visage marqué par la fatigue et l’anxiété était assise sur une chaise.

— Martin, voici mademoiselle Fanny Rosières. Il semblerait qu’elle ait été en contact avec Lola Kramer peu de temps avant qu’elle ne débarque au 36 !

— Bonjour, mademoiselle Rosières. Martin Lucas.

— L’inspecteur Lucas s’occupe de cette affaire, Mademoiselle. Je vous laisse lui répéter ce que vous avez dit au brigadier qui vous a reçue.

La jeune femme opina timidement du chef. Visiblement, cet interrogatoire la mettait mal à l’aise, ce que Martin pouvait comprendre… Les gens n’apprécient que rarement d’avoir à subir un interrogatoire dans un poste de police !

— Mademoiselle Rosières, pouvez-vous me confirmer que vous étiez au Guest, hier soir ?

— Absolument, répondit la jeune femme tandis que Martin se positionnait face à elle. Nous sommes arrivés vers 20 heures.

— Nous ? Avec qui étiez-vous là-bas ?

— Avec un ami. Suis-je obligée de vous dire son nom ?

— Pourquoi est-ce un problème ? demanda Martin d’un air soupçonneux.

— Eh bien… Il s’agit d’un homme marié… Je suis sa maîtresse.

Martin regarda Saldano en levant les yeux au ciel. Décidément, ce milieu n’était que cocufiages et coups tordus !

— Étant donné les circonstances, je crains que nous ne soyons obligés de vous demander son identité, Mademoiselle. Je peux juste vous promettre que cela restera entre nous, dès l’instant où aucun de vous n’est impliqué.

— Très bien… répondit Fanny Rosières. Il s’agit de Francis Vidal.

— Quel métier exerce-t-il ?

— Il est commercial en produits pharmaceutiques.

— J’imagine que sa femme n’est pas au courant, pour vous deux…

— Non, nous essayons de rester discrets… Et puis, il s’absente souvent pour son travail, alors…

Martin n’avait pas besoin d’un dessin. Monsieur prétextait un déplacement professionnel pour s’envoyer en l’air pendant que Madame attendait sagement – ou pas, d’ailleurs ! – à la maison avec les e n f a n t s !

— C’était la première fois que vous alliez au Guest ? Pourquoi spécialement dans ce club ?

— Oui, c’était la première fois. En fait, nous choisissons des clubs échangistes par discrétion… Nous ne sommes pas échangistes nous-mêmes.

— Venons-en à votre rencontre avec Lola Kramer… Comment l’avez-vous connue ?

— Nous nous sommes rencontrées il y a deux semaines, lors d’une séance de dédicace de Xavier Balloch, un auteur de romans érotiques.

Martin se tourna brusquement vers Saldano qui fut aussi surpris que lui : ni l’un ni l’autre ne croyaient aux coïncidences…

— Mademoiselle Rosières… Avez-vous lu le journal, ce matin ? Ou bien écouté les infos, hier ? demanda Martin en donnant à la jeune femme un exemplaire du journal ouvert à la page de l’article relatant la disparition brutale de l’écrivain.

— Non… mais… Mon Dieu, il est m o r t ? s’exclama la jeune femme à la vue du gros titre.

— Effectivement ! répondit Martin. Vous comprendrez donc que nous désirions en savoir davantage sur vos liens avec Mademoiselle Kramer !

La jeune femme reposa le journal sur le bureau d’une main tremblante avant de baisser la tête avec l’expression caractéristique de la personne qui a quelque chose à se reprocher…

— Je vous écoute, Mademoiselle, insista Martin

— Eh bien… Ce jour-là, nous attendions notre tour pour faire dédicacer notre livre. Lola était juste derrière moi. L’attente était assez longue et nous avons commencé à parler.

— De quoi ?

— Du bouquin, de Balloch… En fait, c’était le premier livre de cet auteur qu’elle achetait. Elle m’a posé pas mal de questions sur lui, ses livres précédents…

— Elle achète un bouquin d’un auteur qu’elle ne connaît pas et elle fait la queue pour se le faire dédicacer ? Ça ne vous a pas paru bizarre ?

— Ben… sur le moment, je ne me suis pas posé la question…

— Bon, et ensuite ?

— Nous sommes allées boire un café en face de la librairie. Nous avons fait plus ample connaissance et le courant est tout de suite passé entre nous. Puis nous nous sommes revues trois jours plus tard…

— Eh bien dites-moi, c’était un véritable coup de foudre ! se moqua Martin. Qu’avez-vous fait, ce jour-là ?

— Elle est venue chez moi et… comment dire… nous avons eu une aventure.

— Je vous demande pardon ? s’exclama Martin qui ne l’avait pas vu venir, celle-là !

Le visage de la jeune fille s’empourpra à l’évocation de ce souvenir.

— Je n’avais jamais fait quoi que ce soit avec une femme auparavant, poursuivit-elle, mais là, je sais pas… J’étais attirée par elle et cela semblait réciproque.

— Votre amant est au courant de cette aventure ?

— Non, je ne lui ai rien dit…

Martin fit une courte pause, effaré par ce qu’il entendait. Décidément, cette histoire de trompeurs trompés en chaîne devenait de plus en plus ridicule !

— Et après ça, vous allez me faire croire que votre présence au club, hier soir, en même temps que Lola n’était qu’une coïncidence ?

— C’est la vérité. C’est Lola qui m’a parlé du Guest, mais à aucun moment nous n’avions prévu de nous y retrouver !

Martin se tourna vers Saldano qui semblait également circonspect face aux affirmations de la jeune femme. D’un autre côté, celle-ci n’avait pas vraiment intérêt à rencontrer Lola en compagnie de son amant.

— Très bien… Et combien de fois vous êtes-vous retrouvées après ça, avec Lola Kramer ?

— Juste une fois. Toujours chez moi.

— Avez-vous parlé ou avez-vous juste…

— Elle m’a reparlé de Balloch. Elle semblait avoir lu le livre…

— Que voulait-elle savoir ?

— Des détails sur Balloch… S’il était marié, dans quel coin il vivait… Elle m’a avoué qu’elle avait craqué sur lui lors de la séance de dédicaces et qu’elle aurait souhaité le rencontrer de façon plus… Enfin vous voyez, quoi…

— Oui, je pense que oui… Et que lui avez-vous répondu ?

— Je lui ai dit ce que je savais, à savoir son adresse qui d’ailleurs est assez facile à obtenir. Ce n’était pas non plus une star… Et aussi qu’il était séparé d’avec sa femme et qu’à ma connaissance, il vivait seul.

— Vous êtes drôlement bien renseignée, remarqua Martin. Pourquoi ces informations vous intéressent-elles ?

— C’est comme ça, lorsqu’on est fan… Surtout d’un auteur avec qui chacune noue une relation particulière au travers de ses romans. On essaie d’avoir un tas d’infos sur la personne que l’on aime. Même si c’est inutile…

Martin devina au ton de la jeune fille qu’elle était probablement tombée amoureuse de l’écrivain comme une a d o l e s c e n t e pouvait l’être d’une rock star. Mais ce qu’il pouvait comprendre d’une gamine de quinze piges devenait franchement ridicule à vingt-cinq !

— Et donc vous n’avez pas revu Lola ? Jusqu’à hier soir ?

— C’est exact.

— A-t-elle remarqué votre présence ?

— Non, je ne pense pas. Francis et moi étions dans l’une des alcôves. Je l’ai juste vue passer…

Elle détourna son regard et poursuivit dans un murmure :

— Avec vous…

— Le lieutenant Lucas était au Guest dans le cadre de l’enquête, coupa Saldano. Nous connaissons la suite. Merci pour votre témoignage… Nous n’hésiterons pas à vous demander de revenir pour d’autres informations.

Martin fut reconnaissant à son supérieur d’avoir coupé court à l’interrogatoire à un moment qui pouvait devenir gênant et raccompagna la jeune femme à la porte.

— Merci infiniment, mademoiselle… Et si jamais Lola Kramer entre en contact avec vous pour quelque raison que ce soit. Appelez-nous immédiatement.

La jeune fille opina timidement du chef et quitta rapidement le bureau, laissant Martin et Saldano avec les nombreuses questions qui subsistaient après son témoignage, au premier rang desquelles : qui était réellement Lola Kramer ?

Saldano avait bien interrogé le fichier à son sujet, mais comme il s’y attendait, celui-ci indiquait que la jeune fille était une jeune inspectrice auxiliaire en cours de spécialisation, conformément à ce qu’indiquait la lettre du ministère de l’Intérieur. Ce qui ne faisait que confirmer l’immense pouvoir que possédait Martinot. En effet, créer un dossier personnel de toutes pièces n’était pas donné à tout le monde et bien peu de personnes avaient le niveau hiérarchique suffisant pour cela.

— Il faut aller perquisitionner chez Lola, finit par dire Martin. Peut-être qu’on trouvera quelque chose…

— Avec Martinot qui a l’œil sur tout ? Hors de question ! objecta Saldano. J’ai peur que l’on soit obligé de faire sans…

— Ce qui veut dire… Entrer par effraction sans que vous soyez au courant, c’est ça ?

— Ça fait partie des solutions envisageables, oui !

Martin se mit à arpenter le bureau de long en large en réfléchissant aux conséquences de ce qu’il s’apprêtait à faire, si jamais il se faisait prendre. Jamais il n’avait pensé, durant sa carrière, devoir un jour en arriver à de telles extrémités. Après l’épisode pour le moins gênant du club échangiste, une plainte pour vol avec effraction serait du plus mauvais effet… Malheureusement, il n’avait guère le choix !

— Très bien… finit-il par dire, résigné. De votre côté, essayez d’obtenir les résultats du test ADN. Moi, je vais jouer les Arsène Lupin !

— Bonne chance ! Je vais mettre deux flics devant chez elle, deux hommes du service en qui nous pouvons avoir confiance pour le cas où elle reviendrait à son domicile, ce qui serait étonnant. Ils seront dans la confidence et en cas de problème, vous aurez un appui sur place.

Martin acquiesça et sortit du bureau avec la boule au ventre. Il savait que désormais, il allait devoir faire cavalier seul, sans l’appui de sa hiérarchie et avec le risque de se retrouver prochainement derrière les barreaux s’il n’arrivait pas à démêler les fils de cette enquête avant que Martinot ne trouve le moyen de le stopper. Il y avait en effet de grandes chances pour que ce dernier sache qu’il était flic et il allait certainement tout faire pour l’empêcher d’arriver jusqu’à lui, même si cela signifiait un nouveau meurtre sur sa personne. Martin ne pouvait donc raisonnablement pas retourner à son appartement, ni dans aucun des lieux qu’il avait l’habitude de fréquenter. Désormais, il allait devoir vivre comme un fugitif.

Arrivé devant la porte de l’immeuble dans lequel résidait Lola, il aperçut les deux policiers que Saldano avait envoyés sur les lieux. Deux inspecteurs auxiliaires qui bossaient avec lui et qu’il estimait. Discrètement, il les salua du regard et s’engouffra dans l’allée de l’immeuble. Prudemment, la main sur son arme, il gravit les escaliers jusqu’au premier étage et colla son oreille sur la porte de l’appartement de Lola : aucun bruit ne lui parvint. Il entreprit alors de sonner, puis il sortit son arme tout en se collant contre le mur à droite de la porte. Ayant maintenant une idée assez précise de la dangerosité de sa jeune et désormais ex-coéquipière, il ne pouvait se permettre de prendre le moindre risque.

Devant l’absence de réponse, il recolla son oreille quelques instants contre la porte pour s’assurer que l’appartement était bien vide, après quoi il sortit de sa poche les quelques outils qui allaient lui permettre de crocheter la serrure. Malheureusement, Martin n’était pas un spécialiste du cambriolage et il lui fallut plusieurs minutes avant de réussir à faire tourner le loquet et déverrouiller la porte.

Son arme pointée devant lui, il pénétra à l’intérieur de l’appartement en espérant faire le moins de bruit possible. Le souffle court et la sueur au front, il visita une à une les trois pièces qui composaient l’appartement et après s’être assuré de l’absence de tout danger, il rangea son arme et ferma la porte à double tour.

Bien qu’il fut persuadé que Lola n’avait rien laissé traîner qui puisse la compromettre, il espérait malgré tout trouver un indice, même infime, qui lui permettrait de retrouver la jeune femme. Il s’employa donc à ouvrir et vider minutieusement chaque placard, chaque tiroir et tout espace de rangement pouvant contenir des affaires personnelles. Malheureusement, aucun des objets qu’il découvrit ne pouvait lui être d’une quelconque utilité, jusqu’à ce qu’il tombe sur l’exemplaire du roman de Balloch que Lola s’était fait dédicacer et qui était rangé dans le tiroir de la table de nuit.

Il parcourut rapidement le livre et vit que certains passages avaient été soulignés ou annotés. Mais alors qu’il feuilletait l’ouvrage, il lui sembla entendre un bruit métallique qui venait du hall d’entrée.

Immédiatement, il jeta le bouquin sur le lit et sortit son arme tout en se collant contre le mur de la chambre. Dans l’entrebâillement de la porte, il avait un visuel sur une partie du séjour, mais pas sur l’entrée. Tendant l’oreille, il distingua le bruit caractéristique d’une serrure que l’on manœuvre, puis le bruit des pas lents et hésitants d’une personne qui devait cheminer avec prudence.

Tendu à l’extrême, Martin se pencha légèrement afin d’observer la partie de l’appartement d’où semblait provenir le bruit, mais la grande armoire qui séparait le salon du hall d’entrée l’empêchait de distinguer quoi que ce soit. Se sachant une proie facile où il se trouvait, il avisa la fenêtre qui donnait sur la cour. Avec un peu de chance, peut-être y avait-il un rebord par lequel il pourrait s’échapper, au moins temporairement. Malheureusement, un coup d’œil par la fenêtre le fit déchanter : seul un saut de quatre ou cinq mètres pouvait lui permettre de se sortir de là !

— Tiens, tiens… Monsieur l’inspecteur !

Martin reconnut aussitôt la voix qui résonnait derrière lui. Et lorsqu’il se retourna, il put constater que l’homme braquait sur lui un revolver.

— Martinot !

— Gagné ! La mauvaise nouvelle, c’est que vous ne quitterez pas cet appartement vivant…

— Sans blague ! Vous allez vous salir les mains, cette fois-ci ?

— Que voulez-vous… On ne peut plus se fier au petit personnel de nos jours. Donnez-moi votre arme !

Martin hésita un instant, mais il savait qu’il n’avait pas le choix. D’un geste las, il jeta son revolver sur le lit.

— Bien ! dit Martinot en s’emparant de l’arme de sa main gantée. Je vous explique le scénario : après vos élucubrations de la nuit dernière, vous avez été suspendu. Malgré tout, vous êtes revenu ici pour revoir Lola ou chercher des indices ou pour je ne sais quel autre motif… Et lorsque vous vous êtes aperçu que vous étiez dans une impasse, vous vous êtes suicidé !

— Un peu léger, vous ne trouvez pas ? Vous pensez vraiment pouvoir faire gober ça à Saldano ?

— C’est moi, le supérieur de Saldano ! rétorqua Martinot. Il gobera ce que je lui ferai gober, point !

— Et votre femme ? Vous l’avez butée aussi ? Et Lola ? Elle pourrait devenir un témoin gênant, non ?

— Lola ? ricana Martinot. Aucun risque ! Elle fait ce que je lui dis de faire et je la paye grassement pour ça ! Quant à ma femme… Cette petite traînée me trompait avec ce pisse-copie de Balloch !

Martin pensa au rouge à lèvres trouvé chez l’écrivain et savait désormais que son intuition était juste. Toute cette histoire n’était au final qu’une histoire de vengeance.

— Asseyez-vous sur le lit, maintenant ! ordonna Martinot en avançant d’un pas. Allez !

— Quoi ? Comme ça ? On s’assoit sur un lit quand on veut se suicider ? fit Martin qui essayait de repousser le plus possible l’échéance fatidique.

— Ta gueule ! J’ai dit : assis !

Résigné, Martin se dirigea vers le lit et s’assit sur le rebord, face à l’armoire. Sur sa droite, il vit Martinot avancer vers lui, l’arme au poing.

— L’heure est venue de se dire au revoir, Lucas ! dit Martinot en collant l’arme contre la tempe de Martin. Pour vous l’histoire s’arrête ici… Et je vous assure qu’elle ne retiendra pas votre nom !

Martin ferma les yeux tandis que Martinot appuyait lentement sur la gâchette lorsque soudain un bruit venu de l’entrée le fit se retourner.

— Police ! Jetez votre arme !

Martin rouvrit aussitôt les yeux et aperçut de l’autre côté du salon les deux flics que Saldano avait postés devant l’immeuble. L’arme au poing et le doigt sur la gâchette, ils tenaient Martinot en joue.

Ce dernier se retourna et dans un geste désespéré tenta de faire feu sur les deux policiers. Martin se jeta aussitôt à terre et entendit plusieurs coups de feu assourdissants, ainsi que le bruit sec des impacts de balle autour de lui.

Lorsqu’il n’entendit plus rien d’autre que le bruit d’un corps s’écroulant le sol, il se releva prudemment et vit avec bonheur que ses deux collègues étaient toujours debout ! L’un deux s’avança, l’arme toujours dirigée vers le corps de Martinot qui gisait sur le sol tandis que l’autre restait en arrière, prêt à intervenir. Mais il n’y avait plus de danger… Martin avait vu suffisamment de cadavres dans sa carrière pour en reconnaître un.

— C’est OK, les gars ! dit-il en se penchant sur le corps sans vie. Rangez l’artillerie.

Martin plaça ses doigts sur la carotide de Martinot et ne sentit aucun battement. Touché au thorax par les balles des policiers, celui-ci était m o r t sur le coup.

— Merci, les mecs… dit Martin en regardant tour à tour ses deux collègues. Je vous en dois une pour celle-là !

— Pas de problème, inspecteur ! Quand on l’a vu entrer dans l’immeuble, on s’est douté qu’il allait y avoir un souci. Alors on a appelé Saldano pour le prévenir.

— Et il vous a autorisé à intervenir ? Étrange… Il pissait dans son froc à la simple idée d’enquêter sur Martinot !

— Pourquoi ? Qui c’est ce type ? demanda l’un des deux policiers.

— Euh… fit Martin mi-gêné, mi-rigolard, en fait, vous venez de buter le chef de cabinet du ministère de l’Intérieur !

— Nom de Dieu !

— Putain de m e r d e !

— Oui, vous pouvez le dire ! plaisanta Martin. La bonne nouvelle, c’est qu’on va pouvoir prouver que sa femme le trompait, ce qui fait un excellent mobile et qu’avec un peu de bol, on va retrouver Lola Kramer qui sera tout heureuse de témoigner à charge en échange de quelques années de prison en moins !

— À condition de savoir où elle est ! tempéra Saldano qui venait de faire son apparition. Bon Dieu, mais qu’est-ce qu’il s’est passé, ici ? Vous étiez censé protéger l’inspecteur Lucas, pas faire un carton sur Martinot !

— Il était armé et il allait faire feu sur eux, Commissaire ! répondit Martin quelque peu irrité par les remarques de son supérieur. Et s’ils n’avaient pas été là, c’est moi qui y passais…

Saldano regarda le cadavre de Martinot gisant dans son s a n g tout en se caressant le menton. Désormais, il n’allait avoir d’autre choix que d’expliquer toute l’histoire à sa hiérarchie. Et vu l’identité de la victime, l’explication allait devoir tenir la route !

— Bon… Qu’est-ce que vous suggérez, Lucas ?

— Eh bien… il avait les clés de l’appartement. Alors peut-être que le logement lui appartient. Et si c’est le cas, il faut lister tous ses biens immobiliers et aller y faire un tour. Puisque c’est lui qui est derrière tout ça, peut-être que sa femme est retenue dans l’une de ses propriétés…

Saldano réfléchit quelques instants à la proposition de Martin. C’était un peu mince, mais c’était la seule piste qu’ils avaient.

— OK… finit-il par dire. Je vais demander au fisc de nous transmettre les adresses de tous ses biens déclarés. Vous, continuez à chercher un éventuel indice ici. Je vous appelle dès que j’ai l’info.

Martin opina du chef et se rassit sur le lit en passant les mains dans ses cheveux. Il avait déjà eu sa dose d’émotion pour la journée et celle-ci était loin d’être terminée !

Toujours attachée sur son cadre métallique, Océane Martinot profitait de la trêve accordée par ses ravisseurs pour reprendre quelque peu ses esprits. La douleur lancinante qu’elle ressentait dans le bas-ventre lui rappelait sans cesse les assauts qu’elle avait subis un peu plus tôt.

Qu’importe ! Elle était encore en vie et nourrissait malgré tout l’espoir qu’on finisse par la retrouver et ainsi mettre fin à son calvaire.

— Alors, ma belle… On se remet de ses émotions ?

La voix de Lola qu’elle entendit derrière elle la fit sursauter. Elle savait que le retour de la jeune fille dans la pièce signifiait également le retour des maltraitances. Et dans son état, elle n’était pas certaine d’y survivre.

— Tu vois, reprit la jeune femme en s’approchant de la prisonnière, ça m’a vraiment excitée, tout à l’heure… Et là, je suis… Comment dire…

Lola commença à se caresser lascivement tout en ôtant ses vêtements. Lorsqu’elle fut entièrement nue, elle s’approcha d’Océane et entreprit de lui caresser la poitrine en prenant soin de pincer vigoureusement les tétons, ce qui provoqua chez sa victime des petits cris de douleur.

— Arrêtez, je vous en prie… Cessez ce jeu !

— Allons, ma belle… Tu faisais moins ta timide quand tu te faisais sauter par Balloch ! Ça n’a pas du tout plu à ton mari, tu sais…

À l’évocation de son amant et sous l’effet de la douleur, Océane ne put réprimer un s a n g lot. Elle soupçonnait son mari d’avoir fait assassiner le jeune écrivain : elle en avait désormais la certitude.

— Allons… Faut pas pleurer comme ça ! Moi aussi je peux te donner du plaisir… Mes deux étalons aussi ! Tu n’as pas aimé, tout à l’heure ?

Alors que Fabien et Jimmy refaisaient leur apparition dans la pièce, Lola grimpa de nouveau sur le cadre métallique. Mais cette fois-ci, elle avait bien l’intention de profiter davantage de la situation et elle se coucha sur le corps d’Océane de façon à ce que son sexe soit positionné au niveau de la bouche de sa prisonnière. C’est alors que Fabien prit place derrière la tête d’Océane et enfonça son engin dans la chatte de Lola qui poussa immédiatement un long gémissement de plaisir.

Dans le même temps, Jimmy revint prendre place entre les jambes d’Océane et la pénétra avec la même délicatesse que la première fois.

La seule chose que pouvait voir Océane était le sexe de Fabien qui allait et venait dans la chatte de Lola et frottait contre sa bouche. Les couilles du jeune homme passaient et repassaient contre son visage et seule la douleur qu’elle ressentit lorsque Jimmy la pénétra lui fit comprendre qu’un nouveau supplice venait de commencer.

Visiblement, ce dernier avait l’intention de prendre son temps. Avec des pénétrations lentes, mais profondes et v i o l entes, il alternait entre sa chatte et son cul. Le fait de ne pas voir ce qui se passait entre ses jambes accroissait encore la douleur. Crispée à l’extrême, Océane ressentait les pénétrations avant même qu’elles ne surviennent. Lola, quant à elle, ne semblait pas le moins du monde perturbée par la saleté ambiante et ces corps déjà souillés de fluides corporels divers. Baisée vigoureusement par Fabien, elle prenait un plaisir immense à se faire prendre de la sorte. Régulièrement, elle venait frotter son clitoris contre la bouche d’Océane et cela lui procurait un plaisir encore décuplé.

Martin fonçait à toute allure sur la voie sur berge de la rive droite. Il se dirigeait vers l’une des nombreuses propriétés que possédait Martinot dans la capitale et aux alentours. Le Commissaire Saldano avait rapidement obtenu la liste de celles-ci et l’avait missionné, ainsi que les deux policiers qui lui avaient sauvé a vie, pour aller visiter chaque lieu.

Afin de gagner du temps, Martin et ses deux collègues s’étaient partagé le travail et tandis que les deux auxiliaires couvraient le sud parisien, Martin devait se charger de l’ouest, ces deux parties de la ville regroupant la totalité des biens de Martinot.

L’inspecteur Lucas avait déjà visité un immeuble de l’avenue Kléber, à deux pas de l’Arc de Triomphe, ainsi qu’un appartement vers la porte d’Asnières, sans succès. Il fondait désormais de grands espoirs sur la dernière possibilité : une adresse boulevard du Château à Neuilly-sur-Seine.

En arrivant sur les lieux, Martin eut l’intuition d’être au bon endroit. Le luxueux pavillon du XIXe qui trônait le long du trottoir ombragé était susceptible d’apporter toutes les garanties aux ravisseurs de la femme du chef de Cabinet : plusieurs étages découpés en innombrables pièces, des greniers, des caves, une entrée sécurisée et un parc arboré qui pouvait offrir calme et isolement aux fugitifs.

Martin n’essaya même pas d’entrer par le grand portail en fer forgé, d’autant que ce dernier était probablement fermé. Il attendit patiemment que les quelques passants qui marchaient sur le trottoir aient disparu au loin et enjamba le haut muret d’enceinte. Le corps chargé d’adrénaline et l’œil aux aguets, il courut en direction de la maison et longea la propriété jusqu’à la façade qui donnait sur l’arrière. Il remarqua, garée à proximité du portail qui donnait sur l’autre rue, une voiture dont la vitre conducteur était légèrement entrouverte.

— Bingo ! pensa Martin à voix haute, désormais persuadé qu’Océane Martinot était retenue prisonnière de l’autre côté de ces murs.

Prudemment, il tenta d’ouvrir la porte de service et par miracle, celle-ci n’avait pas été refermée. L’arme au poing, il s’introduisit dans une pièce qui ressemblait à une sorte de remise où traînait tout un tas d’objets hétéroclites. Il tendit l’oreille, mais aucun bruit de venait troubler le silence pesant qui régnait autour de lui. De plus en plus sur ses gardes, il s’aventura plus avant dans l’immense propriété où chaque détail révélait l’opulence dans laquelle vivait le chef de cabinet, même si cette maison n’était pas sa résidence principale. Tableaux, meubles anciens et bibelots précieux ornaient la moindre pièce de la riche demeure.

Alors qu’il passait devant ce qui semblait être une porte de service, il crut entendre un bruit et s’arrêta net, sa main resserrant son étreinte autour de son revolver. Pendant de longues secondes, il resta immobile, à l’affût du moindre bruit susceptible de troubler le silence de la maison. Et à l’instant où il s’apprêtait à reprendre ses investigations, un son quasi identique à celui qu’il avait cru entendre la première fois retentit faiblement.

Cette fois, plus de doute possible. Il y avait bien quelqu’un quelque part derrière la vieille porte en bois. Prudemment, il tourna la poignée et risqua un œil à l’intérieur. Aucune lumière ne filtrait mis il put distinguer de façon plus claire les bruits qu’il avait perçus. Des bruits métalliques accompagnés de gémissements qu’un escalier tamisait : les sons provenaient de la cave.

À f o r c e de défoncer brutalement la chatte et le cul de sa victime, Jimmy était en train d’atteindre l’extase et celle-ci se manifesta bientôt par de puissants jets de sperme sur les lèvres déjà souillées. Malgré tout, il les pénétra à nouveau avec sa délicatesse habituelle avant de se retirer définitivement de ce sexe martyrisé.

Océane avait bien eu conscience d’avoir été salie une nouvelle fois, mais la douleur et la peur qui la tétanisaient avaient depuis bien longtemps eu raison de toute volonté de résistance. Elle avait subi cet assaut comme elle avait subi les précédents, tout comme elle subissait le sexe de Lola qui venait frotter contre sa bouche, accompagné par la queue de Fabien qui naviguait à l’intérieur.

Elle savait que bientôt, celui-ci éjaculerait et qu’on la f o r c e rait à avaler ce mélange de sperme et de cyprine. Elle savait aussi qu’elle finirait par tomber sous les coups de ses b o u r r e a u x lorsque ceux-ci en auraient fini avec elle.

Elle se surprit alors à repenser à sa vie d’avant. Non pas avec son mari, qu’elle avait fini par détester à f o r c e de subir son mépris quotidien, sa façon de la rabaisser en public ou de la f o r c e r à le regarder se commettre avec d’autres femmes, simplement pour satisfaire son ego surdimensionné, ou tout simplement de l’ignorer.

Non… En ces moments d’intense souffrance, ses pensées étaient tournées vers une période plus ancienne de sa vie, alors qu’elle était encore étudiante et que d’une rencontre avec un jeune maître de conférences, était né un amour passionné, tendre, sans réserve et surtout… réciproque ! Trois années durant, leur idylle n’avait cessé de grandir jusqu’à ce que l’homme de sa vie ne parte pour le Canada où l’attendait un poste de tout premier ordre.

Elle aurait voulu le suivre. Elle avait d’ailleurs tenté de le faire, mais embrigadée dans de trop longues études et un carcan familial dont l’une des règles non écrites interdisait de convoler en justes noces avec quelqu’un d’une autre confession, elle avait fini par abandonner la partie au prix de regrets indicibles, dont elle portait encore les stigmates aujourd’hui sous la forme d’une triste mélancolie, comme un lourd fardeau qui l’écrasait de son poids de remords.

Soudain, elle sentit les mouvements se faire plus rapides et les râles plus sonores. Puis elle vit le sexe de Fabien se retirer de la chatte de Lola juste avant qu’un jet de sperme ne vienne en maculer les lèvres, avant de dégouliner dans sa bouche.

Écœurée, elle tenta de résister, mais Lola vint aussitôt écraser son sexe contre son visage, la f o r ç a nt à recevoir cette offrande dégoûtante. C’est à ce moment qu’elle entendit un cri de surprise sortir de la bouche de Lola. Elle vit la jeune fille quitter la position dominante qu’elle avait occupée jusqu’alors et redescendre rapidement du cadre en acier. Et elle vit alors enfin la cause de toute cette précipitation : juste à côté de la porte se tenait Martin qui pointait son arme sur l’assistance.

— Je veux voir tout le monde à plat ventre ! Tout de suite ! cria-t-il à l’adresse de Lola et Fabien qui se tenaient debout devant lui. Vous avez compris ? À terre, bordel !

— Salut, mon chéri ! minauda Lola qui tentait de gagner du temps. Je suis vraiment heureuse de te voir, tu sais… J’espère que ton épaule ne te fait pas trop souffrir !

— Ta gueule, toi ! T’as entendu ce que j’ai dit ? Couche-toi par terre !

— Mmmhhh… fit Lola en avançant lentement vers lui. J’aime quand tu me parles comme ça… Qu’est-ce que tu comptes me faire une fois que je serai allongée par terre ?

Mais Martin n’écoutait plus. Il pensait seulement à cet objet au bout rond qui venait de toucher son dos. En guise d’objet, il s’agissait d’un pistolet que Jimmy appuyait contre sa colonne vertébrale…

Juste après les ébats, ce dernier était allé s’installer dans le fond de la pièce afin d’assister au reste de du spectacle que donnaient ses camarades et c’est ainsi qu’il avait pu surprendre l’intrus. Instinctivement, il leva les mains et Jimmy s’empressa de lui prendre son arme.

— Bien joué, Jim ! dit Lola en récupérant le revolver. Alors… C’est peut-être toi qui vas te coucher par terre, finalement ! À moins que… Oui, je crois que j’ai une meilleure idée…

— Lola arrête ! Arrête tout maintenant avant qu’il ne soit trop tard ! La seule personne qui pouvait te protéger a été abattue… Tu es seule !

Lola accusa le coup en devinant que Martin voulait parler de Martinot. Si c’était vrai, si Marc était réellement m o r t , alors elle était effectivement seule… Et n’avait donc plus rien à perdre.

— Vous avez buté Martinot ? Ça m’étonnerait, dit-elle dubitative. Mais si c’est le cas, alors autant finir en beauté !

Lola récupéra l’arme que lui tendait Jimmy et retourna vers Océane qui était toujours attachée et qui venait d’apprendre la m o r t de son mari. Ce qui, après ce qu’elle venait de vivre, sonnait presque comme une délivrance.

— Tu as entendu, ma belle, chuchota Lola à son oreille. Ils ont tué ton mari ! Il va bien falloir que quelqu’un s’occupe de toi, désormais… Que quelqu’un te donne tout le plaisir que tu mérites !

Elle se recula et fit signe à Martin d’approcher en le menaçant de son revolver.

— Déshabille-toi !

— Quoi ? Mais tu es complètement folle, ma pauvre fille ! répondit Martin qui commençait à entrevoir la suite des évènements.

— Allez… Fous-toi à poil ou tu t’en prends une !

— Eh bien vas-y, qu’est-ce que tu attends, répondit Martin avec un air de défi. Vas-y ! Tire !

— Oh, je vois… Monsieur veut jouer les martyrs ! Comme tu voudras !

Lola pointa l’arme sur la tempe d’Océane et fit jouer le cran de sûreté, comme pour montrer qu’elle était déterminée.

— Et maintenant ? Tu vas le baisser, ton froc, ou bien il faut que je lui explose la cervelle avant ?

Océane ferma les yeux, attendant la m o r t dont elle sentait le contact contre sa tempe tandis que Martin commença à se dévêtir.

— OK ! dit-il, résigné. C’est bon, t’as gagné… Baisse ton arme.

— Déshabille-toi entièrement et jette tes fringues loin derrière toi ! ordonna Lola qui sentait l’entourloupe. Magne-toi !

Martin ôta fébrilement tous ses vêtements et se retrouva bientôt nu comme un ver devant Lola et la femme de Martinot qui était toujours attachée sur le cadre en fer, les jambes écartées, le sexe et le ventre tâchés de sperme.

— Prends-la !

Martin regarda alternativement la jeune fille qui le menaçait et le corps allongé devant lui. Et rien de ce qu’il voyait ne pouvait l’exciter suffisamment pour lui permettre d’avoir un rapport sexuel avec quiconque en cet instant.

— Désolé ! dit-il à Lola avec un air de défi. Je baise pas sur commande.

— Eh bien, il va falloir faire un effort ! répondit Lola avec un sourire narquois. Ou bien la belle Océane va aller rejoindre son mari…

Elle appuya sa réponse en visant de nouveau la tempe de la jeune femme avec son arme. Désormais, Martin était coincé. Il ne pouvait plus reculer devant la détermination de Lola. Il savait que de sa capacité à se soustraire à cet environnement sordide et à la peur, allait dépendre la vie d’Océane.

Il planta son regard dans les yeux de celle à qui il allait devoir faire l’amour, contraint et f o r c é , et il crut y voir la lueur d’un consentement résigné, l’invitant à venir planter entre ses cuisses l’objet d’une possible délivrance.

Océane était jolie et malgré les coups et le masque de la peur, son visage invitait au désir. Quant à son corps, bien que sali par les récentes humiliations, il provoqua chez Martin les prémices d’une excitation qui ne demandait qu’à grandir.

Alors, Martin ferma les yeux et repensa à cette folle soirée au Guest où il avait pu apprécier sous un meilleur jour, les charmes de celle qu’il s’apprêtait à pénétrer. Il repensa à Lola, prise à quatre pattes par Martinot tandis qu’elle offrait sa bouche au sexe humide d’Océane… Il repensa également à la langue de Nathalie qui tournoyait autour de son sexe jusqu’à le faire exploser de bonheur…

Puis il rouvrit les yeux, s’avança lentement entre les cuisses écartées et doucement, très doucement, fit entrer sa queue entre les lèvres souillées et endolories.

Il vit Océane basculer légèrement la tête en arrière et entendit même un léger gémissement. Était-ce de la douleur ? Du plaisir ? Il n’aurait su le dire avec certitude. En revanche, celui que poussa Lola ne laissait aucune place au doute… La jeune femme jouissait de la situation qu’elle avait provoquée tout comme elle avait joui des t o r t u r e s qu’elle avait infligées à sa victime quelques minutes plus tôt.

Tout en regardant la scène, elle se caressait avec la main qui tenait toujours le revolver, celui-ci touchant la peau de ses cuisses, de son sexe, de ses seins…

Martin n’y prêta pas attention. Son seul but était désormais de satisfaire aux perversions de son ex-coéquipière tout en prenant garde à ne pas blesser sa partenaire d’infortune. Et aux expressions qu’il pouvait lire sur le visage d’Océane, il lui semblait qu’il y parvenait.

Bien évidemment, il savait que cet acte f o r c é n’allait pas donner lieu à une explosion de plaisir. Mais au moins voulait-il convaincre la jeune femme, par sa douceur, par ses gestes calmes et presque lascifs, qu’il ferait tout pour qu’elle ne ressente aucune douleur.

— Mmhh… Oui… Prends-la plus fort ! ordonna Lola qui, à f o r c e de se caresser, était au bord de la jouissance.

Martin essaya de ne pas y prêter attention. Tout au plus accéléra-t-il légèrement ses mouvements de va-et-vient dans le sexe d’Océane. Celle-ci semblait l’encourager en mouvant son bassin malgré ses entraves et Martin y fut sensible. Malgré le dégoût profond que lui inspirait cette situation, il n’avait finalement aucun mal à maintenir son érection.

— Ça suffit ! l’interrompit soudain Lola. Maintenant, je veux que tu l’encules…

Martin fit mine de ne rien avoir entendu et accéléra encore le mouvement. Il voulait éviter à Océane cette souffrance supplémentaire et il tenta pour cela de précipiter son éjaculation…

Mais c’était peine perdue. Lola se faisait déjà menaçante et il dut se résoudre à abandonner le nid douillet du sexe d’Océane pour présenter sa queue devant son anus encore rougi par les précédentes pénétrations. Il prit mille précautions au moment d’enfoncer son sexe, mais ne put éviter un cri de douleur de son infortunée partenaire au moment où il la pénétra.

Désormais, le visage d’Océane était tendu par la peur d’avoir mal et l’absence de plaisir qu’elle ressentait de ce côté-là ne faisait qu’aggraver les choses. Martin s’en rendit compte et comprit que la seule façon qu’il avait d’abréger les souffrances de la jeune femme était de jouir au plus vite. Malheureusement, la jouissance sur commande ne faisait pas partie de ses aptitudes et le fait de savoir qu’il nageait dans le sperme des deux t o r t i o n n a i r e s ne l’aidait pas franchement dans sa tâche.

Malgré tout, il sentit au bout de quelques minutes une vague de chaleur monter en lui et comprit que la fin du supplice qu’il faisait subir à Océane approchait. Mais au moment où sentit la sève monter, il entendit un énorme raffut derrière lui.

— Police ! Jetez vos armes ! crièrent des voix multiples.

Et dans ce concert de cris, une voix résonna plus que toutes les autres : celle de Saldado !

Martin se retira immédiatement, mais le processus était déjà en marche ! Et il arrosa de sperme l’entrejambe et la cuisse d’Océane alors qu’il se retournait pour faire face à son supérieur !

— Bon Dieu ! jura Saldano. Lucas ! Mais qu’est-ce que vous fabriquez ?

Martin tenta de cacher son sexe alors qu’il se lançait dans une réponse embrouillée que le commissaire n’entendit même pas au milieu du chaos : partout autour de lui, Martin vit des inspecteurs du 36, des collègues pour certains, investir la cave avant de plaquer au sol et de menotter les trois ravisseurs. Il sut dès lors que même si par miracle, il parvenait à expliquer pourquoi on l’avait trouvé en train de baiser la victime sous le regard amusé des ravisseurs, il ne pourrait plus remettre un orteil au commissariat sans avoir à subir, au mieux les allusions, au pire les moqueries, de ses coéquipiers. Alors, ignorant les éructations de Saldano, il se rendit auprès d’Océane et entreprit de défaire ses liens. En guise de remerciement, celle-ci lui offrit un regard empli de compassion et de gratitude, tant elle avait compris que Martin avait tout fait pour lui épargner des douleurs supplémentaires. Elle savait également qu’elle lui devait d’avoir la vie sauve…

Deux semaines plus tard…

Confortablement attablé à la terrasse chauffée d’un café, Martin dégustait un expresso brûlant sous les rayons timides d’un soleil d’hiver. Il avait finalement réussi à expliquer pourquoi on l’avait trouvé en si fâcheuse posture et s’en était tiré sans trop de casse grâce au témoignage bienveillant d’Océane, mais aussi de Lola qui n’eût d’autre choix que de collaborer pleinement afin d’éviter une peine trop lourde.

— Vous m’acceptez à votre table, Monsieur ?

La voix douce et sucrée qui venait chanter à ses oreilles n’était autre que celle d’Océane. Ils s’étaient donné rendez-vous la veille, à la faveur d’un coup de téléphone que Martin avait enfin osé passer afin de prendre de ses nouvelles. Une délicate attention qui avait particulièrement touché la jolie veuve, celle-ci lui proposant aussitôt de se revoir.

— Je t’en prie, assieds-toi ! l’invita Martin avec un grand sourire. Je te commande un café.

Martin posa son regard sur le visage de la jeune femme. Celui-ci était désormais débarrassé des stigmates de l’agression qu’elle avait subie. À présent, elle allait devoir reconstruire sa vie et tenter d’oublier ces terribles moments. Et Martin était bien décidé à l’aider dans cette tâche.

— Est-ce que ça va mieux ? demanda Martin après que le serveur eut déposé la tasse de café sur la table.

— Je me remets doucement… Je fais encore quelques cauchemars, mais ça va de mieux en mieux.

Un sourire glissa sur ses lèvres au moment où le regard attendri de Martin croisa le sien. Aussi bizarre que cela put paraître et malgré l’incongruité de leur rencontre, il était désormais le seul homme en qui elle avait confiance.

— Est-ce que… la bande est derrière les barreaux ? demanda-t-elle avec appréhension. Il n’y a aucun risque qu’ils soient libérés ?

Martin comprenait fort bien cette angoisse. Combien de fois avait-il dû faire face aux craintes de victimes dont les agresseurs avaient bénéficié de la relative clémence d’un juge…

— Aucun risque ! Ils sont tous les trois en détention provisoire dans l’attente de leur procès. Et au vu des charges qui pèsent contre eux, ils ne vont pas revoir le soleil avant de longues années !

— J’espère… répondit-elle, pensive. Quand je pense que tout ça est arrivé à cause de moi. Si je n’avais pas couché avec cet écrivain…

— Tu ne dois surtout pas t’accuser de quoi que ce soit ! coupa Martin. On sait désormais que ton ex-mari usait de sa position pour intriguer en sous-main et protéger des intérêts pas toujours avouables…

— À ce propos, j’espère que les policiers qui l’ont abattu ne seront pas inquiétés.

— Il y a une enquête de la Direction générale… Mais on sait aujourd’hui qu’il a commandité le meurtre de Balloch avant de faire exploser l’appartement de l’assassin pour couvrir ses traces… Ou qu’il a demandé à Lola Kramer de le faire…

— Alors c’est elle, l’explosion !

— Elle n’a pas avoué et on n’a pas trop creusé en échange de son témoignage sur Martinot. Mais elle était capable de le faire et c’est arrivé pendant son absence du bureau… Drôle de coïncidence !

— En parlant de coïncidence… dit-elle sur un ton plus léger, Xavier m’avait donné des invitations pour la remise du Conbourt. Ça te dirait de m’accompagner ?

Martin resta pensif quelques instants. Les heures qu’il venait de vivre avaient profondément ébranlé les certitudes dans lesquelles il se complaisait depuis des années. Et pour la première fois depuis bien longtemps, il se surprit à imaginer ce que serait sa vie s’il devait la partager avec quelqu’un…

— Oh, tu sais, moi, les livres… J’ai déjà bien du mal avec celui de ma vie, alors…

— C’est parce que jusqu’à présent, tu n’avais personne pour en écrire les pages, répondit Océane en posant tendrement sa main sur la sienne. Et on dit que j’ai une belle écriture…

En guise de réponse, Martin se contenta d’un sourire et d’un regard où l’on pouvait lire le bonheur simple de celui qui venait de trouver ce qu’il avait passé sa vie à chercher.

Au loin, un bateau-mouche transportait son flot de touristes tandis qu’une cacophonie de sifflements jaillissait de la gare voisine. Tout autour de lui, le monde suivait son cours au rythme effréné de la vie parisienne tandis que lui restait seul sur le quai à attendre que les années s’empilent sur son échine courbée. Il décida alors qu’il était temps pour lui de prendre le train en marche et de faire un bout de chemin en compagnie de celle dont il venait de sauver la vie…

Angel Valeras

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